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 Sarkozy le dealer

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Chien Guevara
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Chien Guevara


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MessageSujet: Sarkozy le dealer   Sarkozy le dealer Icon_minitimeSam 17 Mai - 1:38

Sarkozy le dealer

• par André Job •
Le mot deal s’est imposé depuis quelque temps dans la presse pour désigner l’action et surtout le style du Président : le «Sarko-deal» (Libération), le «deal» de Sarkozy . Il est vrai que l’intéressé affectionne parfois une anglomanie de même tonneau : (il «paie cash») et que ce parler dru est supposé singer celui des banlieues. Le deal, c’est le défi, assaisonné à la sauce du parler jeune, avec un soupçon de violence larvée.
Nous avons tous en mémoire cette séquence troublante du jour où fusa le mot «racaille» et où s’échangèrent de la fenêtre à la rue (en plongée et contre-plongée) les apostrophes les plus véhémentes. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, sous pression, faisait sien le discours de son interpellateur. Serions-nous contaminés à notre tour par le mimétisme de notre président caméléon ?

Il se trouve que le deal constitue d’abord une transaction commerciale, légale ou illégale. To deal with, c’est traiter avec quelqu’un, d’une affaire, d’un objet. En ce sens, le Président est lié par un deal avec l’ensemble des citoyens, c’est-à-dire par un contrat tacite. S’il atteint ses objectifs, le contrat est honoré. S’il échoue, alors il «paie cash». Ainsi affecté de sa connotation commerciale, le mot donne assez bien la mesure de la marchandisation à marche forcée de notre société : celle-ci étend désormais son ombre portée jusqu’au politique.
Mais le mot ne s’enrichit vraiment que lorsqu’on passe du deal à la figure du dealer. Le dealer est celui qui se tient en embuscade, qui vous attire dans ses rets, qui vous promet monts et merveilles, qui étale sous vos yeux des marchandises plus ou moins frelatées. Bien sûr, ce n’est qu’un petit revendeur —il n’est pour rien dans la brusque montée du cours de sa marchandise, pas plus que dans les effets pervers du capitalisme financier—, mais il connaît son affaire : il a toujours de quoi vous satisfaire, et entre vous et lui c’est une question de confiance. Il épouse en somme la forme de vos désirs. Vous ne voyez pas le rapport ?

Quittons un instant la scénographie politique et transportons-nous au théâtre, pour écouter cette profession de foi :
<BLOCKQUOTE>«Oui, je l’ai, je l’aurai, je l’aurai et je l’avais à nouveau, je ne l’ai jamais eu mais je l’aurai pour vous. Et que l’on vienne me dire : mettons qu’on ait un désir, qu’on l’avoue, et que vous n’ayez rien pour le satisfaire ? je dirai : j’ai ce qu’il faut pour le satisfaire ; si l’on me dit : imaginez pourtant que vous ne l’ayez pas ? - même en imaginant, je l’ai toujours.»</BLOCKQUOTE>C’est à la fin des années 80, au temps où Sarkozy n’était qu’un jeune tribun, que nous avons vu apparaître sur scène, grâce à Patrice Chéreau, le personnage aussi inquiétant qu’affable du Dealer. Celui-ci dévidait ses rodomontades devant un public fasciné, ébranlé, irrité, et proposait au Client de satisfaire un désir qui n’avait pas de nom, de «combler l’abîme du désir».
Nous pressentions bien, quand nous assistions à la représentation de la pièce emblématique de Bernard-Marie Koltès, Dans la solitude des champs de coton, que cette œuvre disait la vérité de notre temps, mais nous ignorions à quel point nous deviendrions, vingt ans plus tard, partie prenante dans ce qui se révélerait fable politique. En fait, il nous faut reconnaître dans le deal le fondement même du contrat social façon Sarkozy.
Nous sommes assez accoutumés à ce qu’un homme politique promette successivement tout et son contraire. Nous concevons qu’il n’ait pas toujours ou qu’il ait de plus en plus rarement les moyens de l’offre qu’il nous fait. Mais qu’il puisse se saisir avec véhémence, et comme dans l’instant, sous le coup de l’émotion, de ce qui à la limite échappe à son strict domaine de compétence, cela est à mettre au compte, toute roublardise mise à part, d’un désir qui est au-delà de toute demande et qui déborde son objet.
«Monsieur Marulanda, je m’adresse à vous…» : ainsi parle, à travers cette voix prêchant dans le désert ou dans la jungle mais qui sera répercutée dans le monde entier, la toute-puissance du désir. Au besoin, l’improvisation en la matière ne gâte rien, puisqu’elle crédibilise le désir lui-même : «Moi-même, je me suis convaincu tout seul en parlant», déclare le Président ravi, au terme d’une longue explication sur le Darfour (conférence de presse de Lisbonne, 8 décembre). De même, comme en conclusion de la conférence de presse de janvier : «Ça m’a fait plaisir de vous répondre ça».
Dans le caractère exalté et incandescent du propos du personnage de Koltès, et jusque dans sa tonalité héroïco-burlesque, on a pu reconnaître le principe de l’échange, fort ancien, qui gouvernait le don / contre-don chez les «primitifs» : quand le défi renvoie à une expérience intérieure proche du dépouillement, il n’appelle rien d’autre que la perte et la démesure. C’est là que réside le secret de la verve sarkozienne et de son étrange pouvoir de fascination.
On est ici à des années-lumière du lénifiant «gagnant, gagnant» de Ségolène Royal, car au-delà de l’intérêt cette formule définit la pure gratuité du don. Oui, Sarkozy est bien à cet égard un primitif. C’est quelqu’un qui promet à tout va, qui se fiance avec Carla et qui l’épouse —fiancer et promettre, c’est d’ailleurs le même mot—, qui, tel Don Juan, est prêt à se marier en épousant la forme d’un désir. Comme disait Lacan à propos de l’amour, il donne ce qu’il n’a pas (le phallus) à quelqu’un qui ne l’est pas (qui n’en veut pas).
Dans une telle conception, le temps n’est pas durée continue et alignée, mais moment d’ouverture aux possibles, discontinuité ouverte sur le vide, faite d’opportunités à saisir (le kairos des Grecs). Cette difficulté de Sarkozy à concevoir ses interventions comme devant s’inscrire dans la durée, Marcel Gauchet l’a déjà signalée. Bien sûr, il faut parfois donner le change et habiller en «projet de civilisation» ce qui ne ressemble en rien à une ligne droite.
Mais le Président n’est jamais aussi convaincant que quand, en réponse à une question sur un deuxième mandat, il se défend d’être au service de la durée et proteste qu’il place toute son énergie au service de l’action (immédiate). Pour le coup, sa surprise et sa protestation de bonne foi frôlaient le pathétique. Il faut effectivement le croire sur parole… jusqu’à la nouvelle donne.
Dans ces conditions, il n’est que trop vrai qu’il s’expose, dans tous les sens du terme. Il n’est que trop vrai également que son opportunisme de sophiste le condamne à adapter constamment son offre à la demande, voire à susciter la demande. Pour un peu, il nous ferait passer d’un monde où l’objet du désir répondait à une détermination objective (le pouvoir d’achat) à un univers abstrait où c’est la conjonction d’une demande supposée et de son anticipation par une réponse simulée (la suppression de la publicité sur les chaînes publiques) qui définit le principe de plaisir. Voilà comment, eût dit Baudrillard, la politique réduite à la communication substitue la valeur d’échange-signe à la valeur d’usage.
Quand la promesse en acte ainsi personnalisée et soumise aux caprices du moment fait irruption sur la scène publique, il s’avère particulièrement difficile de juger de sa capacité à tenir la durée. Le long terme est l’ennemi du moment opportun. La sortie de scène est imprévisible, et elle peut être aussi brutale qu’un baisser de rideau, car la chute est à la mesure de l’élan. D’un autre côté, les rebondissements imprévus sont infinis, et inhérents au genre théâtral, du moins dans la comédie et dans la farce.
(André Job est professeur de Première Supérieure, auteur d'un livre à paraître sur Koltès.)
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