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 Haut-Kœnigsbourg Rêves de château

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Chien Guevara
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Chien Guevara


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Haut-Kœnigsbourg Rêves de château Empty
MessageSujet: Haut-Kœnigsbourg Rêves de château   Haut-Kœnigsbourg Rêves de château Icon_minitimeLun 2 Juin - 0:57

Haut-Kœnigsbourg Rêves de château

Reconstruit pour Guillaume II, le château alsacien célèbre cette année le centenaire de sa restauration. Ce lieu franco-allemand est désormais géré par le Bas-Rhin.

Haut-Kœnigsbourg Rêves de château Vueaer10



Teintée de rose, surmontée de pointes vert-de-gris, une forteresse miraculée d’un Moyen Age rêvé émerge d’une marée de sapins et de châtaigniers. Un demi-million de visiteurs sacrifient chaque année au pèlerinage sur ce sommet des Vosges. Tous, au passage de la herse, ne remarquent pas les armoiries sculptées de «Wilhelm II, deutsche Kaiser». Guillaume II pour les Français, qui en ont gardé un mauvais souvenir, puisqu’il fut le dernier empereur allemand jusqu’en 1918. C’est pourtant lui qui fit reconstruire le Haut-Koenigsbourg, entreprise hardie dont l’Alsace célèbre le centenaire. Un monument, tour à tour allemand et français, qui a encore changé de statut, en passant sous l’égide du département du Bas-Rhin. Jusqu’à l’an dernier, le château était un des plus prestigieux, et des plus fréquentés, du parc des monuments nationaux. Il figurait en bonne place sur une liste de 176 sites que l’Etat proposait de céder aux collectivités locales. Moins de trente collectivités se sont manifestées. Un grand ratage du gouvernement Raffarin, qui s’était promis de réduire ce dernier bastion de l’hyper-centralisme qu’est la culture.



Froid et loin de tout
Jean-Jacques Aillagon réussit quand même à faire passer l’inventaire du patrimoine aux régions. Quand la liste des monuments nationaux a été ouverte, le département a été le premier à réclamer le Haut-Koenigsbourg. Question de rentabilité, sûrement. Mais aussi de fierté alsacienne recouvrée. La contrée a en effet longtemps gardé un rapport ambivalent avec un passé dont le château est un concentré. Par leurs recherches et publications, ces dernières années, les conservateurs de la région ont beaucoup fait pour dissiper ces ambiguïtés. Mais à Paris, la confusion persiste si l’on se souvient que Béatrice Schönberg, annonçant sur France 2 le transfert du Koenigsbourg au département, l’a bravement situé en Allemagne.
Le château est accroché à plus de 750 mètres d’altitude. Le propre des nids d’aigle, c’est qu’on ne sait rien en faire. Ce n’est pas pratique du tout. Il y fait froid, c’est loin de tout. Il faut deux bonnes heures de marche pour le rejoindre.
Que Guillaume II ait redonné vie à cette ruine tient donc du miracle, et des hasards comme les cultive une histoire retorse. Depuis au moins le XIIe siècle, il y avait deux châteaux côte à côte sur ce promontoire, dont la seule gloire éphémère fut d’avoir été une des possessions de Frédéric Ier de Hohenstaufen, dit Barberousse, qui rétablit l’Empire. Le site en tire son nom, Hohkönigsburg (haut château royal). La fortune du lieu, qui voyait défiler les propriétaires au gré des batailles et des rachats, est cependant restée modeste. Il n’était pas assorti d’une seigneurie digne de ce nom. Il offre certes une vue splendide sur la plaine, et sur deux percées vers la Lorraine, mais il serait aventureux d’en déduire qu’il contrôlait ces routes commerciales. La ligne de partage et de défense à l’Est, c’est le Rhin. Les généraux français en 1914 ne l’avaient toujours pas bien compris, mais les Romains le savaient déjà.
Au XVe siècle, des chefs de guerre s’y étaient retranchés, rançonnant les environs au point que toutes les puissances se coalisèrent pour les en chasser, et démolir le château. Il fut reconstruit dans les années 1480 par les Tierstein. Passé sous le contrôle des Habsbourg, il fut en 1633, lors de la Guerre de Trente ans, pris par une troupe suédoise, qui eut le don d’y mettre accidentellement le feu un mois plus tard. Fin d’une histoire. Apparemment. Ces murailles gagnées par les ronces n’intéressaient plus personne, sinon pour faire peur aux enfants ou comme but intrépide de promenade. Mais une ruine médiévale allemande ne pouvait qu’attirer les romantiques, qui furent à l’origine de la prise de conscience patrimoniale au XIXe siècle, en pleine montée des régionalismes. Des consolidations furent entreprises. Un architecte dressa un constat d’état, assez alarmant. Louis Spach, fondateur en 1855 de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, rêvait de relever le château de ses ruines «pour en faire un musée du Moyen Age». Classé en 1862, le site fut racheté à divers propriétaires fonciers par la commune de Sélestat trois ans plus tard. Qui ne savait qu’en faire.

«Loyale soumission»
En 1871, l’Alsace est annexée par l’Allemagne. La ville manque de moyens. Après avoir évoqué l’idée d’une loterie pour financer une restauration, le Kreisdirektor (sous-préfet) Albert Dieckmann convainc le conseil municipal du seul moyen de sauver le bâtiment : l’offrir à l’empereur. Un geste «patriotique et idéaliste». Assorti, quand même, de quelques «conséquences matérielles» grâce à l’afflux des visiteurs. Pas folle, la municipalité se garde la centaine d’hectares de forêt, économiquement rentables.
L’empereur vient le 4 mai 1899 recevoir son cadeau. Tremblant d’émotion, le maire, Constant Schlesser, le lui offre «en signe de loyale soumission». «Le cœur des Alsaciens loyaux et bien-pensants battrait avec une joyeuse fierté si votre Majesté voulait bien entrer en possession en Alsace d’une parcelle de terre qui en soit caractéristique» (1). Aujourd’hui encore, certains préfèrent se souvenir que l’idée provenait d’un «fonctionnaire zélé» (2). Guillaume remercie ce «pays pacifique» et cette «population heureuse» du don d’un château «dont les pierres clament, depuis les temps anciens, la magnificence de la chevalerie allemande». Lui a vite compris le parti qu’il pouvait en tirer. Affirmer la renaissance de l’Empire ainsi borné à l’Ouest, comme il l’est à l’Est par Marienbad. Ressourcer sa dynastie dans celles, légendaires, du Moyen Age.
Guillaume II écarte l’idée d’une restauration et demande à son conseiller en architecture, le meilleur spécialiste des châteaux forts, de reconstruire la forteresse médiévale. Bodo Ebhardt s’oppose aux fantaisies des romantiques pour prôner une architecture historiciste. Il choisit de reprendre l’état du XVe siècle. Il se plonge dans les archives, et, au besoin, il va s’inspirer du décor de châteaux avoisinants.
Même s’il ne procède pas à une fouille archéologique, il entreprend un relevé photographique, qui se poursuivra le long du chantier et alimentera un fonds riche de 1 100 prises de vue. Elles sont aujourd’hui exposées in situ. Offrant des primes aux ouvriers, il fait mettre en réserve toutes les découvertes, tessons de poterie, fragments de sculpture ou boulets de canon. Il consolide les murailles. Tuiles, pierres taillées, fers forgés sont fabriqués à l’ancienne. Les hauteurs ne sont pas toujours sûres, non plus que l’inclinaison des toits, et on ne sait si le chemin de ronde était couvert : mais mieux valait qu’il le fût. Le bâtiment tient remarquablement la durée.
Dès 1902, grâce à des locomobiles à vapeur, le chantier est électrifié (les villages avoisinants ne seront alimentés qu’après 1945). Deux grues sont érigées. Une dizaine de chevaux tractent au sommet une locomotive de six tonnes. Elle répond au doux nom de Hilda. Une voie ferrée conduit à la carrière proche. Selon les moments, le chantier peut employer de 30 à 220 ouvriers, dont des artisans spécialisés venus d’Allemagne. Un puits de plus de 60 mètres est déblayé, une station de pompage est installée, qui alimente encore partiellement le lieu en eau. Une citerne en haut du donjon sert toujours de réserve à incendie. Le chantier est ouvert à la visite, et on a retrouvé dans un puits un nombre assez raisonnable de bouteilles cassées. Il y aurait eu 7 000 à 8 000 visiteurs le week-end de Pâques 1903.
Mais l’érection du donjon déclenche une polémique. Ebhardt se voit accusé de trahir la vérité historique en lui donnant une base carrée. Sur fond anti-allemand, les gazettes s’en mêlent, le caricaturiste Hansi se met de la partie. Un éditeur strasbourgeois publie une gravure de la Renaissance avec une tour circulaire. Un relief gothique taillé dans l’ivoire montre également un donjon rond, Curieusement, pas de même forme. En fait, ce sont des faux, fabriqués pour la circonstance. Les recherches l’ont prouvé : le donjon médiéval était bien carré.

Guêpes de la calomnie
Dans la salle des fêtes, l’architecte s’est fait représenter avec un bâton se défendant contre les guêpes de la calomnie. Ebhardt s’autorise ainsi des facéties, comme l’adjonction folklorique d’un moulin à vent. Et le tout, il faut l’avouer, fonctionne très bien. Ses interventions, et plus encore celles de Viollet-le-Duc qui s’acharne à redonner leur unité stylistique à Pierrefonds, Notre-Dame ou la Sainte Chapelle, alimenteront néanmoins de longues disputes qui finiront par imposer aux restaurateurs le respect de l’authenticité. En 1964, la Charte internationale de Venise proscrit ainsi les ajouts et stipule que «la restauration s’arrête là où commence l’hypothèse». Mais, en Allemagne, on s’obstine à reconstruire des monuments disparus, comme aujourd’hui l’église de Bach à Dresde. Et avec talent.
Le 13 mai 1908, der Kaiser inaugure le nouveau Koenigsbourg. L’aménagement intérieur se poursuit. Des associations apportent des meubles. La salle des fêtes est peinte à la mode «troubadour.» En avril 1918, Guillaume II rend sa dernière visite au château. Sur un pare-feu forgé peu après, une inscription, faisant allusion à des «temps affreux», dit: «Ich habe nicht es gewollt» (je n’ai pas voulu cela). La citation fut attribuée à l’empereur. Selon le petit-fils du forgeron, son grand-père voulait en fait s’excuser d’un incident plus prosaïque : lors de l’hiver particulièrement rigoureux, le burnous d’un visiteur avait pris feu devant la cheminée. Tout comme la dame blanche qui hante la forêt, cette belle légende flotte au sommet des Vosges.


(1) Bernard Haman, l’Aventure d’une impériale reconstruction, remarquable récit édité par l’Alsace. (2) Le Château du Haut-Koenigsbourg (Monum).
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