Droits de l'homme : Terreur à la mexicaine La volonté des autorités mexicaines de mettre en oeuvre un modèle
de développement néolibéral se heurte à la résistance du mouvement
social. Un rapport d’une ONG dénonce les violations des droits de
l’homme perpétrées par les forces de police.
Les policiers l’ont piétiné,
lui ont écrasé la
gorge. Au point qu’il
aura ensuite du mal à
s’alimenter. Derrière les barreaux
de sa cellule, dans la
prison de Playas de Catazaj
(État du Chiapas), Eliseo Silvano
Espinoza, 18 ans, raconte
les tortures subies. Son
père, paysan, est prostré sur
un lit, le visage marqué d’hématomes.
Au bas de son dos,
une profonde brûlure causée
par de l’eau bouillante. Tous
deux ont été arrêtés par six
policiers en civil le 1er février
2008 alors qu’ils se rendaient
à leur travail en moto.
Sur fond de conflit terrien
avec des caciques locaux, et
de répression du mouvement
zapatiste, ils ont été accusés
d’association de malfaiteurs.
Leurs témoignages ont été recueillis,
comme des centaines
d’autres, par la Commission
civile internationale d’observation
des droits humains
(CCIODH) qui a effectué une
visite au Mexique du 30 janvier
au 20 février 2008, réalisant
275 entretiens avec plus
de 600 personnes (1). Il s’agit
de la sixième visite effectuée
par la Commission depuis sa
création, il y a dix ans, après
le massacre d’Acteal, un hameau
du Chiapas, où le 22 décembre
1997, un groupe paramilitaire
avait assassiné
45 personnes. La CCIODH,
qui réunit une cinquantaine
de personnes originaires de
dix pays, a, cette année,
concentré son travail sur le
suivi de trois cas – Atenco,
Oaxaca et le Chiapas – considérés
comme emblématiques
d’une situation que les auteurs
qualifient de « véritable
politique d’État » visant les
défenseurs des droits de
l’homme, les médias et le
mouvement social en général.
RÉPRESSIONPOLICIÈRE À ATENCOÀ Atenco, dans l’État de
Mexico, 3 000 policiers
avaient violemment réprimé
un mouvement de protestation
des paysans les 3 et 4 mai
2006. Deux civils avaient été
tués et des dizaines d’autres
blessés. Des dizaines de
femmes arrêtées avaient été
violées sur le trajet menant à
la prison. À Oaxaca, la répression
de l’insurrection
populaire de 2006 s’était soldée
par une quinzaine de
morts. Le 16 juillet 2007, de
nouvelles violences y ont
éclaté lors d’une fête populaire.
La Commission a notamment
recueilli le témoignage
de la famille d’Emeterio,
un maçon plombier,
tombé dans le comas à la
suite de brutalités policières.
« Il existe une pratique généralisée
des détentions arbitraires
de membres du
mouvement social », notent
les auteurs du rapport. « Il
est habituel que les personnes
arrêtées soient soumises
à la torture et victimes
de mauvais traitements.
Pour justifier les arrestations,
les preuves sont falsifiées
». Cette répression n’est
pas seulement le fait de la police,
mais aussi de l’armée et
des groupes paramilitaires
qui agissent en toute impunité.
« Les régions visitées
présentent toutes une situation
sociale traversée par de
profondes dynamiques d’exclusion
et d’inégalités »,
poursuit le rapport qui rappelle
que la population indienne
est particulièrement
visée. « Les indices alarmants
de pauvreté et de marginalisation
des États du Chiapas
et de Oaxaca contrastent
avec l’énorme richesse culturelle
et écologique qu’ils renferment
», posant la question
du contrôle des ressources.
Pour la CCIODH, cette situation
historique est renforcée
par l’avancée des politiques
néolibérales. Hélène
Roux, membre de la Commission,
a souligné l’inquiétante
multiplication des
conflits liés à la terre au Chiapas
où la titularisation de la
propriété est encouragée au
détriment des biens collectifs
des communautés.
EXCLUSIONSET INÉGALITÉSConcepción Doray, également
membre de la Commission,
fait remarquer que « le
Mexique est le pays qui a signé
le plus grand nombre de
textes sur les droits de
l’homme dans la région ».
Grand partenaire commercial
des États-Unis et de l’Union
européenne, le pays offre une
image respectable et n’est
guère embêté. Parmi ses recommandations,
la CCIODH
appelle ainsi l’UE à réexaminer
ses partenariats avec
Mexico. L’accord qui lie les
deux parties contient en effet
une clause démocratique, qui
n’a jamais été utilisée.