Russie : le meurtre d'opposants, spécialité de Poutine-Medvedev
Présenté en compétition officielle au Figra,
dont Rue89 est une fois de plus partenaire, le film « Meurtres en série
au pays de Poutine » fait froid dans le dos : les témoignages filmés
sont soit ceux de personnes assassinées, soit ceux de leurs bourreaux
présumés et leurs soutiens.
Des morts et de présumés bourreaux dans une Russie heureuse d'avoir
retrouvé sa fierté nationale, voilà l'histoire vraie que conte la
journaliste Manon Loizeau dans ce film tourné avant la dernière
présidentielle russe et diffusé à l'époque par Arte.
On y croise, du temps où ils vivaient encore et s'opposaient haut et
fort à la politique de Vladimir Poutine, des journalistes comme Anna
Politkovskaïa ou Iouri Tchikatchikine, ou d'anciens du KGB comme
Alexandre Litvinenko, ou encore des députés de l'opposition.
Puis ils meurent, dans des circonstances souvent mystérieuses, et jamais élucidées depuis. (Voir la vidéo).
D'autres journalistes, d'autres anciens du KGB et du FSB (successeur
du KGB, dirigé par Poutine avant son arrivée au pouvoir) témoignent et
racontent le brouillage croissant des frontières entre le pouvoir
politique du pays, les services secrets et les mafias.
Un ami de Litvinenko qui vit en exil à Londres :
<blockquote>« Il est impossible de dire qui travaille pour qui, si ce sont les bandits pour les services ou les services pour les bandits. »
</blockquote>
Poutine a rendu leurs privilèges aux espions, et sa fierté à la Russie
Un des personnages principaux du film est Andreï Lougavoï, que la
justice britannique soupçonne d'être l'assassin de Litvinenko. On suit
cet ancien du KGB, qui a fait fortune à la tête d'une société de
sécurité, alors qu'il chasse en Sibérie ou fait campagne pour se faire
élire député du parti nationaliste de Vladimir Jirinovski.
L'homme est sympathique, il raconte comment il s'est senti humilié,
sous Eltsine, de devoir faire la queue pour obtenir du lait.
Poutine a redonné leurs privilèges aux services secrets, et sa
fierté nationale à la Russie. Poutine, et son successeur Medvedev, sont
donc extrêmement populaires en Russie, et des hommes comme Lougavoï
sont considérés là-bas comme des héros -Superman, dit un « Russe
moyen » dans le film. Ce qui permet à Superman-Lougavoï de déclarer
ceci à Manon Loizeau :
<blockquote>« Je fais partie de cette génération qui va déterminer
la politique intérieure et extérieure du pays pour les vingt prochaines
années. »
</blockquote>
Manon Loizeau, qui travaille sur la Russie depuis le milieu des
années 90, commence à y perdre des amis, qui la trouvent trop
« antirusse ». En rappelant que les assassinats continuent, elle
explique pourquoi, depuis le tournage de son film, rien n'a changé (Voir la vidéo).
https://www.dailymotion.com/video/x8sdlr_les-assassinats-politiques-en-russi_news
La jeune femme, lauréate (avec Alexis Marant) du prix Albert-Londres en 2006 et du grand prix du Figra en 2007 pour « La Malédiction de naître fille »,
n'est pas retournée en Russie depuis le tournage de « Meurtres en
série... ». « Ça ne m'était pas arrivé depuis une quinzaine d'années »,
explique-t-elle.
Mais lorsqu'elle a regardé le carnet où elle notait les noms de ses
amis morts, elle a eu le vertige. « Une trentaine ». Elle compte
cependant y retourner sous peu.