Centre de rétention de Vincennes, le 1er juillet 2009.
"Il y a des gens qui ont tenté de se suicider. Deux jours de suite.
C’est pour cela qu’on a fait le mouvement. Celui d’hier il avait un vol ce
matin. Il s’est pendu avec les draps. On est quarante ou cinquante
dans le centre.
C’est le deuxième jour de la grève de la faim. On ne mange pas
depuis deux jours. On a commencé avant-hier soir à minuit après une ultime tentative de suicide. En 25 jours, il y a eu 5 tentatives de suicide. L'ambiance
était horrible au centre. Ca devenait fou, on regardait ça tous les
jours et on s'habituait, c'est fou on ne doit pas s'habituer à des gens qui
s'automutilent et se suicident tous les jours. Il fallait réagir à
ça. on était en train de devenir des monstres, on réagissait plus. On s’est dit
il faut réagir autrement, ne pas s’habituer. On s’est dit qu’un jour
il y allait avoir un mort, qu’on allait se retrouver avec un cadavre. On
s’est réuni dans la cour. La grève de la faim a commencée à minuit. On a
décidé de restituer les sacs du petit-déjeuner qu'ils nous donnent le soir. On
les a tous posés sur la table de ping-pong dans la cour. Le
lendemain, les policiers ont réagit quand ils ont vu qu'on ne mangeait pas. Les flics
nous on dit : vous mangez pas ? On a dit non, on vous parlera après
notre réunion et on dira nos revendications. On s’est donc réunis vers 18h30
hier jusqu'à 22h00. La réunion a eu lieu dans la cour. Les flics ont
fait quelques tentatives d’intimidations du style « si vous restez
tranquilles, tout se passera bien, sinon, c’est la répression ». Ca ne nous a pas
fait peur. On est restés sereins. On a discuté d'autres trucs dans la réunion
mais c'est la grève de la faim qui a été décidée parceque notre
mouvement est pacifique.
Aujourd'hui, on a demandé du sucre pour notre grève, ils ont dit qu'ils
nous répondraient plus tard, deux heures après ils nous ont appelé
et ils ont dit ok, mais en fait après il y a une femme, je sais pas qui c'est,
qui a dit que non, qu'on doit prendre la nourriture qu'ils nous donnent.
On a prévenu des associations pour notre mouvement. On attend du soutien
maintenant.On a écrit une liste de revendications :
1) apporter une solution rapide et efficace aux retenus traumatisés par
les tentatives de suicide.
2) Améliorer les conditions de rétention : nourriture, hygiène,
comportements de la police et de l’administration. Parce qu’ils
réagissent de manière agressive. On n’a pas le choix pour les heures de repas, pour
acheter des clopes… Les consultations avec l’infirmière sont souvent
retardées ou refusées. Pareil avec la Cimade. Pour les visites, ils
essaient de décourager les gens en les faisant attendre. Ils nous disent
que c'est plein et qu'il faut attendre et quand on arrive aux visites on
se rend compte qu'en fait il y n'avait qu'une personne.
3) Prendre en considération les retenus gravement malades et leur offrir
des soins à l’extérieur. Il y a des gens qui ont des traitements et
qu’ils ne peuvent plus suivre ici.
4) Libérer les retenus qui ont une famille, des enfants en France,
mariés ou vivant avec une résidente française.
5) Offrir plus d’avocats commis d’office. En général, il y a un seul
commis d’office pour 5 ou 6 retenus. Il n’a que quinze minutes pour
regarder le dossier.
6) Donner le choix aux retenus qui souhaitent quitter la France par
leurs propres moyens, dans la dignité. Par rapport à la famille là bas, ou
pour des raisons politiques, y'a des gens qui préfèrent repartir par leur
propres moyens. les juges ne veulent jamais donner des assignations à
résidence. Moi c'est mon cas par exemple, j'ai demandé au juge et il a
refusé.
7) Remédier aux conditions de mouvements, de déplacements avant et après
les audiences. On est réveillé à 6 h pour un audience à 10h, on
attend 4 à 6h dans une pièce sale, qui sent l’urine.
Donner plus de temps aux retenus qui sortent libres pour préparer
leur départ au pays. Légalement on a que 8 jours, on ne peut rien
préparer en 8 jours.
9) Arrêter les contrôles massifs et abusifs dans la rue qui portent
atteinte à la liberté.
10) Respecter le règlement intérieur : l’administration l’enfreind
tout le temps. Les personnes sont expulsées sans être prévenues qu'elles vont
l'être. Ils doivent nous le dire.
11) fermer les centres de rétention et régulariser les sans papiers.
Il fallait bien qu'on la mette quelque part quand même cette dernière
revendication !"
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