Qu’allons-nous faire de l’argent des dictateurs ? De
Taïwan à Haïti, de l’Indonésie au Gabon, au Pérou, au Congo, ils
seraient une trentaine à s’être approprié, en quelques décennies, la
bagatelle de 180 milliards $ de fonds publics sur le dos de peuples à
qui manque l’essentiel. Qu’ils se nomment Suharto, Mobutu, Dos Santos,
Comparoé, Obiang, Nguesso, Fujimori, Pinochet, Omar Bongo... les
fortunes qu’ils ont volées représenteraient plusieurs années de l’aide
internationale aux pays du Sud. Comment de tels détournements
furent-ils possibles ? Pourquoi tant tarder à restituer aux populations
concernées ce qui leur est non seulement dû, mais vital ? Cet aspect du
pillage des terres pauvres est décrypté dans le lumineux rapport que CCFD - Terre Solidaire* publie aujourd’hui.
Un butin gelé dans les banques occidentales Chaque année, d’après l’ONU et la Banque mondiale, c’est au moins
l’équivalent des PIB cumulés du Niger, du Burkina Faso, du Tchad et du
Mali qui fuit les pays en développement pour aller se terrer en Europe,
sur les comptes blanchis des "kleptocrates" ou de leur clan. 22 ans
d’exactions d’un Mobutu (ex-Zaïre) ont fait monter à 13 milliards $ une
dette où il aurait encore puisé pour son propre traintrain (palais,
villas dans toutes les capitales, aéroport de son village natal...),
affaiblissant son pays par le manque immédiat, mais aussi en le forçant
à renouveler son recours à l’endettement extérieur. Suharto, lui,
aurait dérobé de 15 à 35 milliards à l’Indonésie. Nguessa (toujours en
exercice) détiendrait à lui seul 50% de l’économie du au
Congo-Brazzaville...
La corruption érigée en systèmeSelon les auteurs, Antoine Dulin et Jean Merckaert, ces fuites de
capitaux, pour énormes qu’elles soient, ne sont "rien en regard des
pillages auxquels elles ont donné lieu". Passations de marchés publics,
transactions avec l’Etat, négociations de contrats officiels, tout est
corrompu dans les régimes basés sur le clientélisme, l’intègre
entrepreneur local n’ayant guère de chances contre les pots de vin d’un
concurrent étranger.... ni contre un régime qui ne tient que par la
violation de droits qu’il serait risqué de chercher à faire valoir.
France bonnet d’âne Le détournement de biens publics étant, depuis 1991, déclaré par
l’ONU violation des droits humains, pourquoi la championne toutes
catégories des lois anti-blanchiment est-elle en queue de peloton au
moment des comptes, loin derrière les Etats-Unis (1ers) et la Suisse
(2e) ? Pour ses bases militaires ? Son contrôle du pétrole, de la
forêt, de l’uranium dans les zones francophones ? Pour ne pas avoir à
se justifier sur des compromissions essentielles au maintien d’une
certaine influence ? En 2007 le procès d’Omar Bongo avait conclu à un
non-lieu. Fut-ce pour sa notoire générosité envers - tous - nos partis
politiques ?
Plus de 150 collectifs de la société civile africaine ont
officiellement demandé à la France "les milliards volés par des
potentats [dont] on ne peut plus attendre la mort pour connaître la
fortune et la restituer à leurs pays". Les meilleurs plaisanteries ont
une fin.
Vert : restitué. Jaune : en cours. Rose : en attente
Source : http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/qu-allons-nous-faire-de-l-argent-58078