Onze mois de galère, trois semaines de bonheur ...

Il n'y a pas eu de pause à Millau, cette fois-ci. Marie-Claire est allée chercher Yann, le vendredi soir, à sa sortie du travail. Ils ont préparé les affaires, les enfants, Angèle et Raphaël. Ils ont tout fixé, la caravane, les vélos sur le toit. Et à deux heures du matin, ils ont filé, tout droit, jusqu'au Ils font toujours une halte, d'ordinaire, depuis Le Havre. Le temps d'une nuit, "parce que Millau, c'est joli". Parce que ça rend d'un coup plus digestes, surtout, les 1 200 kilomètres de route et les quinze heures de volant qui vont avec. Mais cette année, ils avaient particulièrement "hâte". Alors, pour la première fois, la barrière du camping, ils l'ont franchie le 25 juillet, le jour des 42 ans de Marie-Claire.

Hâte à cause de la crise, la fameuse. Celle qui a vu Yann, il y a un an, à la même place qu'aujourd'hui, l'auvent à peu près sous le même pin - emplacement C5 -, froncer son front brun. Un coup de fil d'un ami pour lui dire qu'on était "en train de vider son bureau". Les marchés financiers commençaient tout juste à chanceler, il a fallu rentrer. Conducteur de travaux, à 46 ans, il a dû changer d'entreprise, et tout recommencer.

Déjà, chaque année, avant les trois semaines d'été sacrées, les onze mois qui précédaient, c'était serré. Marie-Claire est assistante de jeunes enfants, contrat à temps partiel, et leurs deux salaires n'ont jamais cumulé plus de 2 800 euros mensuels. Ils s'y sont habitués, mais cette péripétie, les Le Cosquer s'en seraient bien exemptés. Finalement, ces onze mois-ci, comme les autres, Yann a fait ses tableaux de prix, épargné 200 euros à chaque mois, et puis, ric-rac, c'est passé.

Une chance, parce que le Buffalo, "c'est le retour aux sources" pour Marie-Claire. La vie en plein air, l'odeur de la forêt. Yann de toute façon n'aime pas l'hôtel : "J'ai l'impression d'être à la maison." S'ils voulaient, ils pourraient aller en vacances, "gratuitement", chez ses parents à elle, en Vendée. Marie-Claire rêve aussi parfois de Martinique. Mais entre une semaine d'île et trois semaines de camping, elle n'a jamais réussi à se résoudre à la première option.
Surtout, le Var, c'est sa "région de coeur". Celle où, si elle réussissait à convaincre sa maman de déménager, elle se verrait bien, retraitée avec Yann. Celle où la mer a le bleu de ses grands yeux et de son paréo. Celle où sa silhouette de sirène, coeur en pendentif, se "ressource" le mieux, sous l'inépuisable soleil de La Seyne-sur-Mer.

Alors, depuis dix ans, ils reviennent sans se lasser. Une envie qui date d'un hasard de 1999 où, après plusieurs années d'errance le long de la côte depuis Collioure, ils sont tombés sur le Buffalo. Depuis, ils viennent avec tout, toujours : le drap de Barbie pour Angèle, 9 ans, celui de Spider-Man pour Raphaël, 11 ans, le chat Isis - dit "Zouzou"... Un nid à eux, soigné, rangé, qu'ils s'aménagent dans "la plus petite caravane du camping".

Une fois installés, les trois semaines s'écoulent alors, loin des soucis de la Normandie. Avec des courses chez les hard-discounters, c'est vrai, la lessive à la main plutôt qu'en machine - 4 euros - la glacière électrique plutôt que la location de frigo. Mais, dans le même temps, il y a deux restaurants en vingt et un jours au lieu de trois en trois cent-soixante-cinq - "le premier et le dernier soir" -, des soirées à thème "diversifiées, à portée de main ". "Une vie différente du reste de l'année où l'on vit un peu reclus", admet Yann. Tout le trajet du retour, Marie-Claire le sait, elle aura le blues. Yann appelle ça "la gueule de bois après trois semaines de bonheur".

Elise Vincent (La Seyne-sur-Mer, envoyée spéciale) du Monde

Une tranche de vie de la "France d'en bas" chère à Raff et que Sarko et ses potes continuent de piétiner...

merc tdl pour cette petite tranche de vie

Tranche de vie ?

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