Taxe carbone dès 2010 : un geste écologique… et politique En appliquant la taxe carbone dès 2010, le gouvernement peut verdir son image et contrer les écologistes aux élections régionales.
Eric Woerth, ministre du Budget l'a annoncé
ce mardi : la taxe carbone sera inscrite dans le projet de loi de
finances pour 2010, voté avant la fin 2009. L'annonce est surprenante
mais, à bien y réfléchir, a des contours autant écologiques que
politiques.
La rédaction du projet de loi de finances est déjà en cours. Y inscrire un article sur la taxe carbone
relève du tour de force. Il faudra en effet des heures de débats
ministériels puis parlementaires pour caler le contenu exact de ce
nouvel outil fiscal. Rappelons que Jean-Louis Borloo avait répété en juin que la taxe carbone ne serait pas instituée avant 2011.
Le pire serait de ne rien faireQuelles que soient les arrière-pensées politiques, le pire serait de ne rien faire. La conférence d'experts présidée par Michel Rocard
a d'ailleurs démontré l'existence d'un consensus très large sur le
principe de la taxe carbone, désormais appelée « contribution climat
énergie ».
Les désaccords ne portent en réalité que sur l'assiette -faut-il
taxer l'énergie nucléaire ? - et sur le mécanisme de redistribution. De
fait, les experts présents se sont accordés sur le fait que cette
contribution peut être un facteur de progrès social et environnemental.
Reste à trouver compensation pour les plus modestes.
Le plus important n'est plus de pas savoir si la taxe carbone sera
créée mais comment. Eric Woerth est sans doute lassé de jouer le rôle
de l'« anti écolo » du gouvernement et tente de coiffer au poteau le
ministre en titre de l'Ecologie en multipliant les déclarations sur ce
dossier, comme lorsqu'il critiquait le chiffre de 32 euros la tonne de carbone qui circule depuis la conférence Rocard.
L'engagement-phare du « pacte écologique » Politiquement, à la veille des élections régionales, le but est
clair. Si le projet de loi de finances institue une contribution climat
énergie qui corresponde aux exigences des associations de défense de
l'environnement et des consommateurs, le gouvernement se prévaudra, à
la veille des élections régionales, sur tous les médias d'avoir
appliqué l'engagement-phare du « pacte écologique » de Nicolas Hulot et du Grenelle de l'environnement. Cela permettra aussi peut-être de « compenser » l'entrée de Chasse, pêche, nature et traditions dans la majorité.
Pour la gauche et les Verts aussi, la situation ne sera pas
simple : « si » le projet de loi (il reste encore beaucoup de « si »…)
est bien rédigé, comment voter contre cette disposition et éviter
ainsi, de donner un bon point vert au gouvernement ? Compliqué…
« Les riches en auto et les pauvres à vélo ? »De plus, Claude Allègre, qui était pressenti pour entrer au gouvernement, vient de lui donner un sacré coup de main en s'exprimant de manière tonitruante dans Le Parisien contre la taxe carbone. Et il n'y va pas de main morte :
<blockquote>« Instaurer cette taxe en France seule dans le contexte
actuel serait une initiative catastrophique pour notre pays. Elle
serait inutile climatiquement, injuste socialement, nuisible
économiquement.
Et le nouveau slogan, qu'on le veuille ou non, il faudra que les
tenants de la taxe l'assument : “Les riches en auto, les pauvres à
vélo ! ” Ceci au moment où le baril ne cesse de monter. Combien de
chômeurs vont-ils payer la bêtise écologique ? . »
</blockquote>
Les termes employés sont ciselés pour la presse. Petit problème :
l'argumentaire est faux. En effet, il n'est pas exact de déclarer :
<blockquote>« La France émet à peu près les cinq millièmes des
émissions mondiales de CO2. Cela veut dire que l'arrêt total de toute
émission de CO2 par la France modifierait la température moyenne du
globe d'un centième de degré dans cent ans ! »
</blockquote>
Le calcul est faux, car le mode de vie des Français induit des
émissions qui ne sont pas comptées dans le périmètre national.
Exemple : les émissions dues à la déforestation, les émissions liées
aux pics de consommation d'électricité avec import d'électricité depuis
des pays étrangers qui ont recours au charbon, produits manufacturés
importés, etc.
Par ailleurs, ne rien faire au motif que la France émettrait peu de
gaz à effet de serre ou qu'une taxe carbone n'a de sens que si elle est
mondiale revient à justifier l'immobilisme de préférence à
l'exemplarité. Répétons-le : le pire serait de ne rien faire.
Reste que, politiquement, les opposants à cet instrument fiscal ont
une difficulté supplémentaire : se démarquer de l'ancien ministre de
l'Education nationale….
Faire oublier la potion de Copenhague ? Last but not least, le projet de loi de finances qui permettra de
créer cette contribution climat énergie sera voté en décembre. Au même
moment se tiendra le sommet international de Copenhague
sur la baisse des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Réunion
cruciale s'il en est car le sujet est bien de donner un avenir à
l'humanité en définissant le monde de l'après Kyoto, à partir de 2012.
Or, depuis les réunions d'Aquila et de Bonn, les clignotants sont
allumés : Copenhague risque d'accoucher d'une souris, c'est-à-dire
d'une déclaration sans valeur juridique et sans énergie politique. Qu'à
cela ne tienne, le gouvernement pourra insister sur la mise en œuvre en
France de la taxe carbone.
L'essentiel est ailleurs : compléter le plus vite l'arsenal de
mesures qui doit permettre d'écarter une catastrophe écologique.
Beaucoup de conditions devront être respectées alors que le temps du
débat s'annonce très court et que les sujets de conflit ne manquent
pas, notamment sur le nucléaire. De ce point de vue, la tâche du
gouvernement s'annonce très délicate.