«C’est triste pour chacun de nous, il faut que le pays soit uni» Lors de la cérémonie, ce samedi à Varsovie, pour les victimes de l'accident d'avion de Smolensk.
(Pawel Kopczynski / Reuters)
Les plus âgés sont
venus avec leurs pliants car la cérémonie promet d’être longue – on
annonce trois heures au moins. Les jeunes parents avec des poussettes
ont prévu des couvertures pour le petit si le soleil se mettait soudain
à baisser. Les plus prévoyants, enfin, ont apporté des serviettes de
toilettes pour s’agenouiller durant la grand-messe en plein air. Des
dizaines de milliers de Polonais ont assisté aujourd’hui à Varsovie à
la première grande cérémonie organisée en hommage aux 96 victimes, dont
le président Lech Kaczynski,
de la catastrophe aérienne survenue le 10 avril au dessus de Smolensk,
en Russie. Une célébration comme les Polonais les aiment, sous le sceau
de l’Eglise et des références nationales.
L’autel a été érigé en plein cœur de la capitale, sur la place
Pilsudski. C’est à cet endroit même que le pape polonais Jean Paul II,
lors de sa première visite après son élection en 1979, avait dit la
messe et lancé sa célèbre phrase:
«N’ayez pas peur!». Aux
temps du communisme, cela avait été interprété comme un encouragement à
la résistance au régime. Un an plus tard, le plus grand mouvement
anticommuniste à l’Est naissait: le syndicat indépendant Solidarnosc.
Mais cette fois, l’autel est sombre.
Au centre, une immense croix blanche s’élance vers le ciel et de
chaque côté, sur le fond de la tribune, on a apposé les photos en noir
et blanc des victimes du crash du Tupolev présidentiel. Sinistre
mosaïque. La cérémonie débute par deux minutes de silence. Tous se
figent, les rares voitures –la circulation est en bonne partie
interdite- s’arrêtent, alors que les sirènes retentissent de façon
ininterrompue. Suit la lecture des noms des victimes, puis un extrait
de l’Apocalypse selon Saint Jean.
«La Pologne n’a jamais rien connu de pareil»De nombreux Polonais, comme le veut le deuil catholique, sont venus
en tenue sombre. La plupart arborent un badge ou un autocollant sur la
poitrine représentant le drapeau national rouge et blanc barré d’un
ruban noir. Dans les bus et les trams gratuits pour la circonstance, on
voit de vieilles femmes pleurer. Les gens sont aussi venus de province
en train – les allers-retours ont été fixée à 50 zlotys (20 euros).
Dans les grandes occasions, notamment les célébrations des tragédies
nationales, les Polonais aiment afficher les traditions. Certains ont
mis leur costume national. D’autres portent leurs uniformes d’apparat –
les mineurs notamment avec leurs toques à plumes – ou des étendards
avec les armoiries de leurs régions.
Mais ce n’est pas seulement un retour au passé. On s’est aussi
organisé via internet pour partager des voitures … Andrzej, pâtissier
de 76 ans à la retraite, s’est porté volontaire pour veiller à ce que
les gens circulent dans les bonnes allées.
«Il s’est passé quelque chose de terrible, d’inoubliable, explique-t-il,
tant de personnes disparues d’un coup, la Pologne n’a jamais rien connu de pareil.» Comme beaucoup, il ajoute être venu saluer la mémoire d’un
«grand patriote», Lech Kaczynski.
«On est venu en train à 40»Rarement on a vu autant de scouts – filles en jupes et grosses
chaussettes, garçons en foulards et shorts au genou. Ils ont été
mobilisés dans tout le pays pour assurer le bon déroulement de la
cérémonie côté public. Trois scouts, en vert kaki et drôle de
casquettes à visière, sont arrivés à l’aube de la ville de Bydgoszcz.
L’un a 24 ans, les deux autres, 16 ans.
«On est venu en train à 40, racontent-ils,
on a appris notre mission en arrivant: distribuer des bouteilles d’eau et veiller à ce que les gens circulent calmement». «C’est une tragédie nationale, c’est triste pour chacun de nous, dit l’aîné,
il faut que le pays soit uni. En plus ils allaient à Katyn (lieu du massacre de 22000 officiers polonais par les Soviétiques en 1940).»
A 18 heures, les cercueils du président et de son épouse Maria
devaient être transférés dans la cathédrale de Varsovie où une autre
messe devait être dite, privée celle-là.
(Crédit: Petr Josek Snr / Reuters)Puis les cercueils seront transportés dimanche matin probablement
par train à Cracovie, pour être inhumés dans la cathédrale des rois de
Pologne, au château de Wawel. Des dizaines de chefs d’Etat étrangers -
dont l’américain Barack Obama et le russe Dmitri Medvedev –étaient
attendus à ces funérailles. Mais avec le nuage de cendres dans le ciel
européen, on prévoyait de nombreuses annulations.