Niger, Areva, Aqmi : qui est l’otage de qui ? (La Mèche) Xavier RENOU
Aux côtés de divers collectifs, les
Désobéissants ont été amenés à mener des actions directes non violentes
sur les questions de Françafrique aussi bien que de nucléaire... Une
position qui leur permet d’avancer ici, sous la plume de leur fondateur,
une analyse de l’enlèvement récent de salariés d’Areva au Niger
légèrement différente de la version officielle.
Il
y a deux façons de voir la prise d’otage des Français au Niger. La
version « l’Ile aux Enfants », servie à longueur de grands médias, nous
dit que sept personnes dont cinq Français ont été enlevées par d’odieux
terroristes islamistes rétrogrades qui n’attendent qu’une occasion pour
nous faire du mal, à nous, la patrie des droits de l’homme.
Heureusement, nos valeureux militaires – qui pour être plus proches des
gens qu’ils aiment sont installés dans toute la région – traquent sans
relâche Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) pour libérer les otages.
Bon, ceux qui ont passé l’âge de Casimir seront plus attentifs au fait
que ces Français sont surtout des employés d’Areva, la multinationale du
nucléaire, et qu’ils ont été enlevés à Arlit, au nord du Niger,
justement là où la France extrait près de 50 % de son approvisionnement
en uranium. Très loin, surtout, des territoires où les barbus de l’Aqmi
font leur Paris-Dakar à eux.
Eh oui, si Aqmi les détient aujourd’hui, semble-t-il,
elle n’est pas à l’origine de l’enlèvement : les gens d’Areva lui ont
été remis par des combattants ou des bandits touaregs. Pas islamistes
pour deux sous, en général, mais quand même très remontés contre notre
pays. Il est vrai que de lui, ils ne connaissent que les
automitrailleuses vendues au gouvernement nigérien par Nicolas Sarkozy
pour mieux tuer leurs animaux, interdire l’accès aux puits et les
expulser de leurs terres. Des terres refilées à Areva pour
l’exploitation de l’uranium... Ils en connaissent aussi les retombées :
non, pas celles des 100 000 tonnes d’uranium et des centaines de
millions de bénéfices envolés vers notre pays en échange du paiement
d’un forfait aux deux tiers inférieur au prix mondial, et qui aurait été
négocié en secret par un certain Jacques Foccart à l’indépendance du
pays, en 1960. Mais la contamination par les poussières et les gaz
radioactifs de l’air, l’épuisement des eaux potables détournées pour
l’activité minière, la pollution radioactive des sols par les déchets de
l’extraction, et le maintien par la force et avec l’aide de l’armée
française de régimes corrompus plus ou moins sanglants à la tête du
pays. Du coup, les 85 000 habitants de la ville artificielle d’Arlit,
souvent amenés du sud pour remplacer les indociles Touaregs dans les
mines d’Areva, meurent à petit feu, mais l’hôpital gentiment fourni par
Areva n’est bizarrement pas le plus loquace sur le sujet. Et tout ça
pour quoi ? Pour nous permettre d’alimenter les enseignes de magasins
qui éclairent les rues vides la nuit, les panneaux de pub qui stimulent
nos rêves marchands et les chauffages électriques qui font qu’on a
toujours froid même quand on les pousse à fond (mais c’est pas perdu
pour tout le monde, regardez les factures !). Entre autres gaspillages
de l’électricité. Des gaspillages que ne risquent pas de connaître les
habitants d’Arlit, qui n’ont toujours pas l’électricité chez eux, 50 ans
après la supposée indépendance de leur pays...
Avec le collectif Areva ne fera pas la loi, on s’était
présenté au siège du groupe nucléaire pour y remettre à une Anne
Lauvergeon (la patronne) plus vraie que nature, le Prix de la
communication environnementale la plus efficace : ben oui, il faut du
talent pour cacher tout ça à l’opinion publique et quand même faire
passer le nucléaire pour une énergie « propre » ! Un Touareg avait fait
spécialement le déplacement pour expliquer à la presse, à cette
occasion, quel sort était réservé aux travailleurs des mines d’Areva et à
leurs familles. Les sbires de la boîte avaient moyennement apprécié la
plaisanterie mais, depuis, la vérité sur les conditions d’exploitation
de l’uranium du Niger n’a cessé de resurgir, notamment dans la bouche
des opposants au projet de second EPR (seconde aberration !) de Dieppe,
au moment des débats publics, et dans les mobilisations d’associations
comme Sortir du nucléaire ou Survie.
Quand des gens font des horreurs, comme au Niger, c’est
souvent pour l’argent – comme Areva –, ou au contraire parce que leur
souffrance, causée par ceux qui cherchent l’argent à tout prix, se
transforme en haine des premiers. Pour « gérer » la crise, la France
vient d’envoyer son charmant Commandement des Opérations Spéciales (COS)
à Niamey, pour préparer une véritable guerre contre les rebelles,
barbus ou non, de la zone sahélienne. Quand on sait que c’est le COS qui
était aux manettes pour la France au moment du génocide des tutsis du
Rwanda, en 1994, on se dit qu’on n’a pas fini d’entendre des horreurs à
propos du Sahel...
Xavier Renou
Le site du collectif des désobeïssants http://www.desobeir.net/
SOURCE : http://lameche.org/Members/karine/a...