Réussir à tout raterAuteur :
tgb - Source :
Rue Affre - Bonjour monsieur le président, si on fait aujourd’hui le
bilan de votre presque quinquennat, on peut considérer que vous avez à
peu prés tout raté - ce n’est plus un bilan mais carrément un dépôt de
bilan - en tirez vous une certaine satisfaction ?- Je dois avouer que j'en suis assez fier. Car c’était mal parti.
J’avais beaucoup misé sur "une France de propriétaires", entièrement
basée sur les subprimes. On m’avait dit beaucoup de mal de ces
saloperies, c’était tentant. Ça devait ruiner une partie des classes
moyennes. Malheureusement la superbe crise économique m’a pris de
court, survenant avant même que la réforme fût en place. J’en étais
fort chagrin.
- Vous vous êtes bien rattrapé ensuite…- Ça n’a pas été facile notez le. En m’augmentant de 200%, en
nommant mon bon à rien de fils à L’EPAD, en m’offrant un « air force
One » à 200 000 000 d'euros, le montant des économies faites sur le non
renouvellement de cent mille fonctionnaires, j’ai du mettre la barre
très haut. En France, les médias sont d’une totale servilité, même en
leur volant ouvertement leurs ordinateurs. Il faut vraiment mettre la
dose pour qu’ils s’indignent. Tenez le « casse toi pov’con » s’il n’y
avait pas eu le web pour faire le buzz, mais ça passait inaperçu….
- La succession des « affaires » à beaucoup contribué à ce chef d’œuvre de ratage total . Etait-ce prémédité ?- J’espérais bien sûr que l’affaire Karachi sorte enfin. Une belle
affaire pourrie comme ça, c’eût été dommage… de même que faire traîner
l’affaire Woerth-Bettencourt six mois était une riche idée. Quant à
Blanc Joyandet… je n’en espérais pas tant, mais je savais que je pouvais
compter sur leur solidarité. En revanche j’avais beaucoup parié sur
l’affaire Tapie et ses malversations qui devaient exploser à la gueule
de Christine Lagarde. Pour l’instant ça n’a pas donné l’effet escompté,
mais je garde espoir. Entre nous, balancer 400 millions d’argent public
à un escroc notoire aurait du scandaliser tout le monde. C’est à peine
si Jean Michel Aphatie en a parlé. C’est assez décourageant des fois.
- En tout cas votre premier cercle de donateurs à mis les bouchées double pour nourrir ce beau fiasco…- Oui, Wildenstein, Servier…que des gens que j’ai pris soin de
décorer pour bien montrer où chercher les collusions, les corruptions,
les conflits d’intérêts. Il suffit de prendre la liste des remises de
légions d’honneur pour avoir les scandales d’état. Difficile de faire
plus explicite mais bon, allez demander à Duhamel de faire de
l’investigation…
- En revanche pour la réforme des retraites…- C’est un de mes plus mauvais souvenirs. J’avais réussi à mettre
deux millions de gens dans la rue, à bloquer un pays durant dix jours, à
unir tous les syndicats contre moi. Pendant ce temps-là arrogant et
tout je recevais Thierry Henry pour exaspérer le monde - notez au
passage que j’ai réussi à foirer deux coupes du monde, foot et rugby
c’est pas rien ça, quand je pense à ce pauvre Chirac - enfin bon, du
grand art, j’avais même mis mes deux frangins, des crétins notoires,
sur le coup, et patatras, tout s’est arrêté brutalement et ma réforme
est passée comme une lettre à la poste privatisée. Je pense que
l’opposition a flairé le piège d’un succès possible ; du gâchis. Mais
vous savez, le ratage n’est pas une science exacte.
- N’empêche, vous avez remarquablement raté les révolutions arabes, belle prouesse, c’était pas évident…- J’ai nommé un maximum d’incompétents et d’abrutis autour de moi :
Hortefeux, Estrosi, Morano, Yade, Dati, Besson, l’écrivain Lefebvre,
Mitterrand et ses boxeurs de 40 ans, même Laporte vous vous souvenez de
la lettre de Guy Moquet dans les vestiaires ? ça aide...mais celle qui
m’a donné le plus de satisfaction est indéniablement Alliot Marie.
J’espérais beaucoup d’elle. Elle a mis du temps à faire sa connerie,
mais elle fut prodigieuse. Là, je dis respect. A elle toute seule, elle a
bien dû me faire perdre au moins cinq points dans les sondages.
D’ailleurs j’ai tellement apprécié que j’ai gardé Ollier dans le
gouvernement , c’est dire si j’ai confiance…
- Vous étiez enlisé en Afghanistan, vous avez réussi à vous
enlisez en Libye…avez vous bon espoir de vous enliser contre toute
attente en Côte d’Ivoire ?- Franchement comme tout planqué du service militaire, j’adore la
guerre. Enliser la France en Afghanistan était assez prévisible,
l’embourber en Libye était déjà plus improbable, mais connaissant BHL
je sentais qu’il y avait une belle opportunité de connerie à faire, en
revanche m’enliser en Côte d’Ivoire, je ne l’espérais même pas. Avec un
peu de chance, on devrait finir par se mettre toute l’Afrique à dos.
Je croise les doigts.
- Les élections cantonales furent elles totalement ratées ?- La stratégie nauséabonde de nous aligner sur le front national
pour mieux échouer aux élections, a relativement portée ses fruits. De
plus l’augmentation de l’abstention est appréciable. Pourtant nous
aurions dû perdre davantage de départements. Il faut dire que, pour ce
qui est de se vautrer dans des scrutins gagnés d’avance, les
socialistes sont imbattables. Nous aussi nous nous essayons à la
zizanie, Fillon, Copé, Bertrand, Borloo…mais le PS a quand même plus
d’expérience.
- Des regrets concernant certains ratages de ratages…- Fukushima !!! j’aurais tellement aimé un accident nucléaire en
France. L’idée par exemple de ne plus pouvoir mettre les pieds dans le
Cotentin pour 250 000 ans m’aurait enthousiasmé. Nous la première
nation atomique, dépendant à 95% du nucléaire, nous faire souffler le
cataclysme par le Japon est un rien humiliant. Mais rien n’est perdu.
Reste l’EPR. Avec une technologie chère et non maîtrisée dans une Areva
privatisée ça devrait finir par le faire. Sans compter que ma politique
islamophobe pourrait à la longue être justement récompensée par un
attentat opportun sur une de nos centrales. En tout cas j’y suis
déterminé.
- Avez-vous un rêve de ratage particulier ?- Le naufrage du Charles de Gaulle en méditerranée. Franchement ça aurait de la gueule.
- Un ratage dont vous êtes particulièrement fier ?-J’avoue qu’être en passe de perdre Neuilly et les Hauts de Seine me donne une grande satisfaction personnelle.
- Avez-vous peur parfois de réussir quelque chose ?- Tout le temps. Cette idée m’obsède. Avec le Grenelle de
l’environnement par exemple j’ai tremblé. Heureusement je me suis vite
ressaisi avec cette déclaration inspirée « l’écologie, ça commence à
bien faire » : il était temps. On commençait à me prendre au sérieux
chez les verts.
- Le bouclier fiscal, c’était quand même une idée géniale de ratage annoncé…- Là j’avoue que c’est un ratage parfaitement maîtrisé. Prendre de
l’argent aux pauvres pour le donner aux riches allait fatalement marquer
symboliquement ce fiasco qu’est mon quinquennat. Même si finalement
certains éditocrates ont quand même réussi à justifier cette immense
arnaque. On ne peut pas compter sur eux.
- Votre prochain projet de ratage c’est évidemment les présidentielles ?- J’ai encore quelques idées de ratages pour l’année à venir.
J’espère une ou deux bavures sous la matraque de Guéant, une autre
guerre pour mieux nous enliser encore…mais évidemment me vautrer aux
présidentielles reste mon objectif numéro 1. J’y travaille jour et
nuit. J’ai quand même fait reculer la France dans à peu prés tous les
domaines : l’éducation, la liberté de la presse, la justice…ça devrait
finir par payer. De plus supprimer l’ISF à quelques mois de l’élection
suprême doit me donner un net avantage…
- A priori vous devriez quand même facilement échouer non ?- Soyons prudents. Les socialistes sont vicieux et bien entraînés.
Ils ont réussi en 2002 je vous le rappelle à perdre dès le premier
tour. Ça reste une performance. Idéalement, pour faire mieux, il me
faudrait devenir impopulaire au point de ne même pas être en mesure de
me présenter. Ce serait du jamais vu. C’est ambitieux, j’en conviens,
mais jouable.
- C’est tout le mal que l’on vous souhaite monsieur le plus mauvais des présidents de la cinquième république.- flatteur !!!