La déclaration de guerre des narcotrafiquants aux internautes
Au Mexique, où le web est devenu l'un des principal lieu de
mobilisation contre les cartels, les corps de deux blogueurs ont été
retrouvés.
Les deux corps, retrouvés par la police. Sur
le pont, en jaune, la pancarte sur laquelle était inscrit le message
(AFP/RAUL LLAMAS)
La guerre contre les narcotrafiquants a pris un tournant inédit au
Mexique avec le premier assassinat de deux cyber-militants par un cartel
de la drogue qui a laissé, avec les corps des victimes, une véritable
déclaration de guerre à l’ensemble des internautes qui oseraient
s’opposer à ses activités.
En début de semaine, la police de Nuevo Laredo, une ville proche de la frontière avec les Etats-Unis, a découvert
deux corps mutilés et pendant sous un pont. L’une des victimes, une femme, était pendue
par les pieds et avait été éventrée. L’autre, un homme, avait
visiblement été lui aussi torturé.
Leurs meurtriers ayant également découpé leurs oreilles et leurs
doigts, l’identité des victimes n’a pu être pour l’instant confirmée.
Mais, selon la police, il s’agirait de
deux jeunes blogueurs d’une vingtaine d’année. Une hypothèse confirmée par un message laissé
sur une pancarte non loin des corps : "C’est ce qui arrivera à tous qui
postent des trucs marrants sur internet. Vous ferriez mieux de faire
gaffe,
je vais vous avoir."
Le cartel "Los Zetas" |
La page d'accueil du site WikiNarco (DR) |
Un message signé de la lettre "Z", une signature utilisé par le cartel Los Zetas qui contrôle la région. Cette véritable déclaration de guerre cite également
deux sites spécialisés dans l’information, et la dénonciation, des activités des narcotrafiquants : "El Blog del Narco"
("Le blog des narcos") qui propose aux internautes de dénoncer de
manière anonyme les activités des trafiquants de drogue et le site "Frontera al Rojo Vivo" ("La frontière rouge vif") spécialisé dans l’information sur les cartels.
Ce meurtre, certainement une première dans l’histoire de la violence
des cartels, survient dans un contexte particulier. En effet, à force de
menaces, pressions voire d'exécutions de journalistes, les
narcotrafiquants ont réussi à
réduire au silence bon
nombre de médias qui n’osent même plus évoquer leurs activités. Ce sont
les citoyens, et notamment ceux des zones les plus violentes dont fait
partie la région de Nuevo Laredo, qui ont décidé de prendre le relais en
mettant en commun leurs informations sur internet,
via les réseaux sociaux ou des blogs.
Au fil des années, de nombreux sites d’informations sur les activités
des cartels mexicains ont ainsi vu le jour, comme "Frontera al Rojo
Vivo" ou "El Blog del Narco" ou encore "WikiNarco",
un véritable Wikipédia du narcotrafic qui propose une Google Map, des
statistiques complètes ainsi que de signaler soi même un crime attribué
aux cartels.
Selon la police de Nuevo Laredo, ce double meurtre pourrait signifier
que les cartels ont décidé de réduire à leur tour les internautes au
silence.
Jérôme Hourdeaux - Le Nouvel Observateur