Et un article pas mal sur le sujet (excusez la source par contre... ):
Ronchon de nature, l'amateur de rugby peste volontiers contre la
modernité, tandis que le supporteur du foot a moins le temps de
s'amuser. Il a une réputation à rétablir. La sienne. Vendredi, vous avez
été 78% à préférer le ballon ovale. Les technocrates ont réponse à tout. Il y a quelques années, ayant
reçu des mandarins de l'Éducation nationale une directive enjoignant les
professeurs d'éducation physique des classes supérieures de nommer
désormais le ballon de football un «référentiel bondissant», un jeune
prof de sport du Sud-Ouest, mi-sérieux, mi-insolent, leur avait signifié
qu'il ne se sentait pas concerné, enseignant quant à lui le rugby.
Lettre du ministère, dix jours plus tard: «Le ballon de rugby sera
nommé, lui: “référentiel bondissant aléatoire.”»
Aléatoire…
C'est peut-être cette notion d'aléa qui distingue le mieux le
«rugbyman» du «footeux». Quand celui-ci cale bien proprement son emploi
du temps sur le calendrier des matchs de son équipe favorite, celui-là
ne calcule rien ou si peu - les chiffres, il y en a bien assez sur les
tableaux d'affichage des stades, loin des déprimants 0-0 de ses ronds
rivaux. Dimanche, s'il a terminé à temps son déjeuner de famille et sa
partie de belote coinchée, il ira peut-être voir jouer les gamins à
Mayol, Michelin ou Marcel-Deflandre. Histoire de les comparer aux
anciens. C'est un fait : en ovalie, on vit volontiers dans le culte du
passé, la nostalgie, le «rugby blues» (titre d'un très joli livre de
Denis Tillinac). Avec ses nouvelles règles, l'argent de la télé, les
caméras dans les vestiaires, ce «sport de voyous pratiqué par des
gentlemen » a certes perdu de son âme… mais elle peut renaître à tout
instant - le fameux aléa. Ronchon de nature, pestant volontiers contre
la modernité, l'affairisme et le perfide Anglais, amoureux de la nature,
de la chasse, de la pêche et des traditions locales, l'amateur de rugby
peut, en l'espace de quelques secondes (le temps d'un essai avec une
croisée, deux sautées, un cadrage-débordement et une chistera pour
finir), changer de peau, pleurer de joie, bénir la Fédération et ses
pardessus, France 2 et Canal +, et promettre de ne plus cracher quand il
arrive en gare de Waterloo sur la route de Twickenham. Il peut même
admettre, après un dîner au Relais-Odéon, chez Yves Camdeborde, qu'à
Paris aussi, si, si, on sait jouer au ballon. Surtout depuis que le
Racing des Berbizier, Chabal, Nallet et autres Steyn y a supplanté le
Stade Français. Pour peu qu'il ait le cœur à droite, il ne manquera pas
de trouver doux qu'un club soutenu par le département des Hauts-de-Seine
fasse la nique à l'équipe ayant grandi sous les jupons de Delanoë.
Le
supporteur du foot a moins le temps de s'amuser. Il a une réputation à
rétablir. La sienne comme celle de ses idoles. Tandis que les troisièmes
mi-temps des rugbymen sont glorifiées et leurs frasques étonnamment
passées sous silence, Bad Gones, Green Angels, Yankees Nord et Ultra
Marines passent apéros, déjeuners, apéros et dîners à tenter de nettoyer
l'image des stars des pelouses coupables, pêle-mêle, d'abuser de
feintes de corps hors du terrain, de monnayer exagérément leur talent,
de tricher en feignant la triple facture quand on leur effleure la
malléole, d'insulter volontiers l'arbitre, de rouler indécemment en
grosse cylindrée à vitres fumées et de se coiffer n'importe comment… Les
supporteurs eux-mêmes ne sont pas exempts de reproches. Injuste :
l'immense majorité des amateurs de foot ne se bat pas, ne siffle pas
l'équipe adverse et peine à trouver une beauté de princesse des Mille et
une nuits à cette guidoune de Zahia.
Au fond, la majesté du foot
réside moins dans l'admiration de son élite que dans sa pratique : de 7
à 77 ans, avec un ballon en cuir ou en mousse, une balle en celluloïd
ou en caoutchouc, un cochonnet de pétanque ou une boule de papier, dans
le jardin ou au bureau, à 2 ou à 22… On n'a rarement fait sport plus
accessible, plus fédérateur, plus jubilatoire. Et tant pis si chez les
pros l'esprit mercenaire prend parfois le dessus. «Là où gît le mal
grandit aussi le remède» (Hölderlin): le plus extraordinaire des joueurs
que la planète foot ait jamais enfanté, Diego Armando Maradona,
n'était-il pas aussi le plus fou, le plus drogué, le plus vénal, le plus
tricheur et le plus amoral des hommes?
Source : http://www.lefigaro.fr/football/2010/08/20/02003-20100820ARTFIG00468-tes-vous-football-ou-rugby.php