Treize pompiers de Paris déférés au parquet pour viol et violences
L'affaire du viol présumé au sein de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) continue de faire des remous. Vendredi 11 mai au matin, treize membres de la prestigieuse équipe de gymnastique de la BSPP, soupçonnés de "viol et violences en réunion" envers deux jeunes engagés, devaient être déférés au parquet de Paris après quarante-huit heures de garde à vue. Le parquet devrait également engager des poursuites pour "non-assistance à personne en danger".
Les faits se sont déroulés le 6mai, dans l'autocar qui ramenait l'équipe d'une exhibition à Colmar (Haut-Rhin). Selon nos informations, les militaires mis en cause ont évoqué en garde à vue "un bizutage qui a mal tourné" dans "l'ambiance du moment". Si certains ont reconnu avoir participé activement à des violences, ils ont nié le viol assurant qu'il s'agissait d'une simulation.
Les deux victimes présumées, âgées de 23 et 21 ans, savaient en intégrant l'équipe qu'elles devraient passer par "le Bronx" et son bizutage, puisque c'est "la tradition" ; mais les deux jeunes hommes n'imaginaient pas en sortir amochés au point de devoir porter plainte. Le premier l'a fait, mardi 8 mai, pour des faits de viols. Le second, le lendemain, pour des faits de violences en réunion.
"Le Bronx", c'est l'arrière de l'autocar qui sert aux déplacements des "gyms" de la BSPP. C'est le territoire des plus anciens de l'équipe. Ils sont une dizaine, âgés de 20 à 30 ans, à dicter leur loi. Selon une source proche de l'enquête, chacun sait dans l'équipe qu'on ne doit "rien" leur refuser, sous peine de représailles.
Le plus jeune des deux plaignants a intégré à l'automne 2011 cette formation d'élite à la réputation internationale. Elle est la vitrine et la fierté de la BSPP. Pointes de pied parfaitement tendues, ses membres passent le plus clair de leur temps à s'entraîner, au rythme du sifflet du chef, mettant au point des mouvements d'ensemble impeccables. Ils se produisent une soixantaine de fois par an dans des exhibitions annuelles très prisées.
LOI DU SILENCE
L'autre plaignant, 23 ans, appartient à l'équipe depuis deux ans. En tournée, tous deux sont cantonnés à l'avant du car, comme tous les nouveaux. Dimanche 6mai, alors que l'équipe d'une trentaine de membres, chaperonnée par un sergent-chef et un caporal, regagnait Paris, le "Bronx" s'est échauffé. Chacun leur tour, les deux jeunes ont dû entonner, selon l'usage, une chanson paillarde au micro.
Convoqué ensuite au fond du car, le plus jeune pensait seulement s'y faire un peu chahuter. Mais le "Bronx" l'a dénudé pour lui administrer une "fessée" maison: des morsures sur le postérieur. Dans la mêlée, il a également reçu des coups au visage et dans le dos. De retour à sa place, il a pleuré, de douleur et de honte... Le tour du second est alors arrivé. Comme il se rebellait, la "fessée" a été agrémentée d'un badigeonnage au Baume du Tigre, une pommade particulièrement abrasive. Il a serré les dents, ravalé ses larmes et tenté de prendre son mal en patience jusqu'à Paris. C'était compter, sans l'humeur festive du "Bronx" qui a continué à le chambrer. "Allez vous faire enculer!", a-t-il fini par lancer à la petite bande, fou de rage.
La bande de pompiers du fond du car l'a alors obligé à revenir. C'est là que la situation a totalement dégénéré. Il s'est retrouvé sur le dos, une paire de fesses posée sur le visage. Il a ensuite subi une pénétration digitale puis une autre avec une bouteille plastique préalablement tordue. La scène a été filmée grâce à un téléphone mobile. Aucun des gradés n'a bronché.
Durant une pause sur une aire d'autoroute, certains ont tout même évoqué à nouveau l'épisode à mi-voix, conscients d'être allé "trop loin". Puis le voyage a repris son cours. Car les pompiers-gymnastes ont une autre règle : "Tout ce qui se passe dans l'équipe reste dans l'équipe", explique une source.
Les deux plaignants ont brisé cette loi du silence. Ils ont fait constater leurs blessures dans une unité médico-judiciaire parisienne. La BSPP a déclenché une enquête interne et suspendu jusqu'à nouvel ordre les exhibitions de son équipe.