Chimie: alertez les bébés !De nombreuses études font apparaître une diminution de moitié du
nombre de spermatozoïdes en 50 ans, tandis qu'augmentait le nombre de
cancers des testicules.
En ligne de mire: les phtalates et le Bisphénol-A, des substances
omniprésentes au quotidien, utilisées pour assouplir les plastiques,
qui agissent comme des hormones féminines et sont considérés comme des
"pertubateurs endocriniens". (REUTERS)
Dans un environnement saturé de chimie, les difficultés de reproduction et les malformations génitales chez les hommes sont désormais suffisamment avérées pour justifier d’alerter la population et de mobiliser les chercheurs.
Un colloque sur le thème «Environnement chimique, reproduction et
développement de l’enfant», organisé mardi prochain par la secrétaire
d’Etat chargée de l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, doit
permettre un partage d’experiences entre scientifiques européens.
De nombreuses études européennes et américaines ont fait apparaître
une diminution de moitié du nombre de spermatozoïdes en 50 ans, tandis
qu’augmentait le nombre de cancers des testicules - qui se développent
généralement chez les jeunes hommes - et les malformations génitales
chez les petits garçons.
«Il y a ceux qui disent qu’on ne sait pas tout et qu’il vaut mieux
ne pas en parler et ceux, dont moi, qui considèrent qu’on en sait
suffisamment et que plus on en parle, plus on fait avancer la
connaissance et la prévention», estime Nathalie Kosciusko-Morizet.
Des produits qui «féminisent»En ligne de mire: les phtalates et le Bisphénol-A, des substances
omniprésentes au quotidien, utilisées pour assouplir les plastiques,
qui agissent comme des hormones féminines et sont considérés comme des
«pertubateurs endocriniens».
«Les mécanismes sont différents mais le résultat est le même: une
féminisation», explique le Pr Bernard Jégou, président du conseil
scientifique de l’Inserm. «Et ce n’est pas seulement l’individu exposé
qui est concerné, mais aussi la génération suivante», insiste-t-il:
«Nous sommes porteurs de l’exposition de nos arrières grands-parents
aux perturbateurs endocriniens».
A ce jour, indique-t-il, les études n’ont été conduites que dans les
pays du nord et ont fait apparaître «un déclin avéré des spermatozoïdes
dans les grandes villes comme Paris ou Edimbourg, avec une grande
variabilité d’une région à l’autre». En France, Lille est ainsi mieux
lotie que Toulouse.
Mais pour l’Afrique, l’Amérique Latine et la majorité de l’Asie, «c’est le trou noir».
Reach, pour une meilleure évaluationPendant des décennies, les Etats ont laissé s’installer sur le
marché des produits dont ils n’avaient pas les moyens de financer les
tests pour s’assurer de leur inocuité.
Aujourd’hui, le règlement européen Reach oblige les industriels à
enregistrer leurs molécules et à prouver leur inocuité, ce qui
permettra à terme de dire «quelles sont celles qui posent problème».
Présidente du groupe parlementaire Santé et Environnement, en 2006,
Nathalie Kosciusko-Morizet avait peiné à convoquer une journée de
débats sur le sujet: l’industrie, hostile, avait trouvé à l’Assemblée
de nombreux relais pour contrer son action. «C’est aujourd’hui plus
facile comme ministre que comme député», s’amuse-t-elle.
Le soir du colloque, la chaîne franco-allemande Arte diffusera à 21
heures le film-enquête «Mâles en péril» sur le sujet, suivi d’un débat.