L'industrie s'effondre, la Bourse s'esclaffe !
Hier, le CAC 40 a progressé de plus de 5% au moment même où l'on apprenait les chiffres catastrophiques de la production industrielle et des exportations françaises. Le reflet d'une conception scandaleuse et
erronée de l'économie.
L’actualité économique est opaque pour le simple citoyen. Et elle est
opaque parce que ses enchaînements ne paraissent pas rationnels.
Prenons une journée comme hier, mardi 10 mars. La France a enregistré
l’une des plus mauvaises nouvelles depuis le début de la crise : la
production industrielle a baissé de 4,1% en janvier par rapport à
décembre, avec un effondrement de 29,4% dans l’automobile, de 18,7%
dans la métallurgie et de 12,6% dans l’industrie chimique. Les
exportations ont reculé de 2 milliards de dollars et la Banque de
France vient de réviser à la baisse – de 0,4 à 06% - sa prévision de
croissance négative pour le premier trimestre 2009.
Le meilleur chiffre de la Bourse depuis trois mois
Pourtant, toutes ces mauvaises nouvelles ont engendré un étrange reflet à la Bourse de Paris: +5,73%, soit le plus fort rebond depuis trois mois.
Bien entendu, il y a une « explication » à cette « bonne » nouvelle, en
l’occurrence, une note interne du patron de Citigroup indiquant que la
banque, renflouée de 45 milliards de dollars par l’Etat fédéral, avait
renoué avec les profits en janvier et février.
Donc, le CAC 40 - comme celui des autres pays européens d’ailleurs – est plus « impacté », comme on dit dans les salles de marché, par un document de communication interne d’un dirigeant de banque qui a tout intérêt à faire valoir la qualité de son bilan que par une photographie
statistique exacte qui reflète la récession catastrophique dans
laquelle nous venons d’entrer.
Certes, le possible redressement de Citigroup améliorerait la crédibilité du plan de relance américain.
Mais ce contraste résume bien la tragédie du capitalisme financier, et
la confusion des castes qui nous dirigent. Quelle est la philosophie
sous-jacente des Bourses ? L’idée, répétée à satiété depuis les années
1980, que l’avenir de nos économies réside dans les services,
aménageant ainsi la répartition actuelle du travail dans le monde : aux
pays émergents la production industrielle et aux pays développés « les
métiers de l’intelligence » et les « services domestiques » pour les
nouveaux riches. Non seulement cette conception de la modernité est
limite raciste – on ne voit pas pourquoi les ingénieurs chinois et
indiens ne pourraient pas concurrencer nos X-Mines – mais elle est en
outre totalement irréaliste : comme l’a montré Jean-Luc Greau dans son
excellent livre «la trahison des économistes» , un lien indéfectible
lie la croissance française et la santé de son industrie, corrélation
que l’on constate sur une longue période et qui ne s’est pas démentie
depuis que nous avons basculé dans la soi-disant « économie du savoir ».
Qu'importe, les décideurs et ceux qui les représentent sur les marchés continuent de brancher leur thermomètre sur Wall Street et non sur l'économie réelle, comme si le destin des Européens se jouait forcément loin deleurs terres.