Muhammad Yunus réclame un système tourné vers le peuple
Muhammad Yunus, ici en mars 2008 à Paris.
Père du micro-crédit dont il est venu promouvoir le concept lors d'une
visite au Japon, le Bangladais a reçu le prix Nobel de la paix en 2006.
Le prix Nobel de la Paix, Muhammad Yunus, appelle à
profiter de la crise économique mondiale pour créer un système
financier "pour le peuple" et pas "pour les plus riches". Selon lui, à
la tourmente financière s'ajoutent les crises alimentaire, énergétique
et climatique, plus anciennes mais passées au second plan. "Toutes ces
crises ont la même origine, elles sont nées des failles structurelles
de notre système", selon Muhammad Yunus, pour qui "l'économie actuelle est exclusivement tournée vers la maximisation des profits".
"Tant que les choses fonctionnent à peu près, personne
ne veut rien changer, mais maintenant que ça ne marche plus, c'est le
bon moment" pour réformer le système, a estimé le prix Nobel.
"Le système financier doit être entièrement repensé. Il ne fonctionne
pas pour le peuple de toute façon! Pour les riches, oui! Les grandes
entreprises, oui! Mais pas pour le peuple", a-t-il martelé.
Evoquant les financiers américains, il a relevé qu'un
"petit nombre de personnes d'un seul pays avaient crée une situation
désastreuse pour le monde entier", un paradoxe qui démontre "la
fragilité du système" capitaliste actuel. "Les vrais victimes de cette
crise sont des gens qui n'y sont pour rien. Ceux sont eux qui vont
perdre leurs emplois, revenus et gagne-pain", a-t-il souligné. "Il n'y
a pas de plan de sauvetage pour eux!". Muhammad Yunus a proposé de
fonder un nouveau système "basé sur le concret et non pas sur les
rêves" de certains professionnels de la finance.
Il a donné l'exemple de la Grameen Bank,
la banque du micro-crédit qu'il a fondée en 1976 pour financer les
projets de villageoises bangladaises n'ayant pas accès aux crédits
bancaire habituels. Trente ans après le lancement du concept, les prêts
accordés sans conditions de ressources sont remboursés dans 98% des
cas. "L'économie mondiale a aujourd'hui une capacité technologique sans
précédent dans l'histoire humaine, mais qui ne sert qu'à faire de
l'argent", a déploré Muhammad Yunus. Il a suggéré que les richesses
produites par les entreprises soient réinjectées dans une "économie
sociale, pour changer le monde". "L'économie actuelle ne s'appuie que
sur l'égoïsme des hommes", a-t-il déploré, appelant à construire en
parallèle "une économie basée sur le désintéressement".