J'ai 17 ans et je suis exclu car j'ai fait blocage contre Darcos Par Tristan Sadeghi | Lycéen | 06/07/2009 |
Ce lundi matin, une élue parisienne, Danielle Simonet, conseillère de Paris (Parti de gauche), alertait par un e-mail très viral
sur le sort de Tristan Sadeghi, lycéen tout juste sorti de classe de
première, à qui son proviseur refuse l'inscription en terminale. Sauf
s'il s'engage par écrit à ne plus participer à des manifs ou des
blocages, tels que ceux qui ont émaillé l'année, au lycée
Maurice-Ravel, dans le XXe arrondissement comme ailleurs. Rue89 a proposé à ce jeune élu représentant au conseil de la vie
lycéenne de raconter son histoire, alors que la mobilisation autour de
son cas commence à prendre. Le proviseur de l'établissement, également
contacté, n'a pas donné suite aux sollicitations de Rue89. Qui publie
toutefois le courrier qu'il a envoyé à Tristan Sadeghi.Je m'appelle Tristan Sadeghi, j'ai 17 ans. Je suis lycéen au lycée
Maurice-Ravel, en classe de première ES (économique et sociale) et suis
passé en terminale sans difficulté. J'ai été actif durant les
mouvements lycéens contre les mesures dites « Darcos » comme beaucoup
d'autres.
Le 16 juin dernier, comme tous les élèves de mon lycée, je suis allé
rendre ma fiche de réinscription. Surprise : on refuse de la
réceptionner. « Ordre du proviseur », me dit-on. Ce dernier, Philippe
Guittet (ancien porte-parole du principal syndicat des proviseurs, le
SNPDEN,) explique son refus de réinscription par mon « rôle de meneur
des blocages du lycée ». Il me rend personnellement responsable des
blocages.
Souhaitant apaiser la situation, mon père lui a fait remarquer que
l'année prochaine, étant en classe de terminale, je me concentrerais
sur mes études. Rien n'y a fait. Le jour même, nous lui avons demandé
par écrit de me réinscrire. Il nous a répondu, par écrit également : il
conditionne ma réinscription à un engagement à ne plus bloquer.
(Voir ici Téléchargez le courrier du proviseur à Tristan Sadeghi)Je tiens à préciser que tous ces événements se sont déroulés à
quelques jours de mon bac de français, et psychologiquement, être « un
sans-lycée », ce n'est pas facile.
Pression à la signatureSes méthodes me semblent d'ailleurs inacceptables : il fait
véritablement pression sur moi pour me « forcer » à signer un papier !
Nos blocages d'établissement s'inscrivaient toujours dans un cadre de
contestation sociale et étaient « sérieux » : nous organisions
régulièrement des assemblées générales (où nous décidions par vote le
blocage) et des réunions d'information sur les mesures « Darcos »,
réunions ayant lieu une fois par mois. Les blocages étaient toujours
calmes.
Petite anecdote, tous les matins de blocages d'établissement, nous
faisions une collecte (où chacun mettait ce qu'il pouvait) pour ensuite
faire des sandwichs et les distribuer à l'heure du déjeuner. N'est-ce
pas la preuve d'une atmosphère de collectivité bon enfant ?
Nous étions parfois deux cents à bloquer, dans le pire des cas,
soixante-dix. Mais qu'on se rassure : nous n'étions pas une minorité.
Nous disposions toujours du soutien de la grande majorité du lycée. 70
élèves ne peuvent empêcher 1000 élèves de rentrer ! Sans forcément nous
aider directement, nous avions leur consentement.
« Réprésentant », pas fauteur de troubleLe proviseur me jugerait-il capable de bloquer seul un lycée ? Ce
serait étonnant. J'ai effectivement été élu délégué du mouvement. Cela
veut dire que j'émane du mouvement. Que j'en suis le représentant. Or
M. Guittet a peut être personnifié le mouvement en ma personne.
C'est peut être aussi une façon de faire peur aux autres, de punir
pour l'exemple. « Regardez ce qui est arrivé à Tristan. Si vous
bloquez, vous vous exposez à la même sanction… » Où est la justice dans
la punition automatique ? Car c'est une exclusion de fait.
Fait du princeJe pense pourtant avoir servi la République, l'Education. Les
mesures Darcos sont à mon avis un coup porté à l'école républicaine,
égalitaire, d'où mon engagement. Mais si on doit me reprocher quelque
chose, qu'on me juge, qu'on ne prenne pas une sanction six mois après
les événements. Cela ressemble trop au fait du prince.
S'il décide de ne pas me reprendre, si mon intégration se passe mal
dans le nouveau lycée, c'est mon année de bac qui sera perturbée. Un
rassemblement a eu lieu ce matin (lundi 6 juillet) devant le rectorat.
Pas seulement pour sauver le jeune Tristan, sauver son avenir. Mais
surtout parce que cette sanction, comme l'a si justement remarqué
Danielle Simonnet, élue au conseil de Paris et très active pour me
soutenir, représente très bien la criminalisation des mouvements sociaux.
Mettons des limites. Accepter le fait du prince, c'est laisser une
porte grande ouverte. Qu'on ne mette pas la pression sur quelqu'un pour
qu'il signe des papiers (ce sont des méthodes de régimes peu
appréciables), que personne ne paie pour les autres (car je suis bien
le seul à subir cette menace), qu'on laisse un élève étudier, apprendre
tranquillement. Que la démocratie lycéenne soit respectée !