Alain Robert, cheveux dans le ventL'escaladeur français a grimpé au sommet d'une tour de la Défense,
ce jeudi. Avant de se faire cueillir par la police au sommet, comme
toujours.
Alain Robert le 8 octobre escaladant la tour Ariane à la Défense
(Reuters)
Un troupeau de cameramen arpente l'esplanade de la Défense au pas de course. Ils n'ont été prévenus que la veille, mais ils sont là pour
assister au grand retour de Spiderman, alias Alain Robert. A leur
arrivée, il est déjà agenouillé sur une fenêtre du deuxième étage de
l'immeuble Ariane. Le superhéros n'est pas masqué. Il arbore toujours
un look d'Iggy Pop: longue chevelure blonde flottant au vent, rides
affichant une quarantaine bien tassée (il a 47 ans) et sourire
carnassier. Au début d'une nouvelle ascension vertigineuse, Alain
Robert a faim. Ses yeux le trahissent.
Avant toute chose, il détache la bâche qu'il porte en bandoulière,
la déploie. Un message: «Merci Gil». L'intéressé ne tarde pas à
débarquer. Un petit coucou et Spiderman s'élève, en même temps que les
caméras et les téléphones portables de l'assistance. Il est ému, Gil
Mennetrey. Sorte de sosie de Roger Hanin - coupe en brosse immaculée et
veste à damier noir et blanc en plus - il a rencontré Alain il y a 15
ans.
«Il était chauve comme un oeuf!» décrit, amusé, le PDG de Norgil, une entreprise spécialisée dans la greffe de cheveux.
Le frère et le père d'Alain Robert sont chauves. Et déjà, ce dernier
voulait faire la nique à la fatalité. Une falaise trop escarpée? La
plus grande tour du monde? Une calvitie héréditaire? Même pas peur !
Alors que Gil lui regarnit le crâne, Alain Robert lui confie ses
projets, sa folie des grandeurs. A l'époque, Spiderman, comme il se
surnomme lui-même, n'est connu que des puristes de l'escalade.
«Alain ne trouvait déjà pas de falaise suffisamment haute» se souvient celui qui financera chacune de ses ascensions jusqu'à aujourd'hui.
«Je te remercierai» lui promit Robert, sans plus jamais en parler.
Un étage par minute
Depuis, les images de lui escaladant à mains nues, sans aucune
sécurité, la tour Montparnasse, la tour Petronas de Kuala-Lumpur (la
plus haute du monde) ou le siège du
New York Times ont fait le tour du monde. Alain Robert a choisi Paris pour tenir sa promesse. Gil:
«Je
ne pensais pas qu'il s'en souvenait. D'ailleurs, je ne savais même pas
qu'il était en France ! On m'a appelé ce matin, c'est une sacrée
surprise!» Scrutant la progression de son ami, il se remémore:
«Il
me disait qu'il voulait être Spiderman, et pas Batman, la
CHAUVE-souris. Je lui répondait qu'il deviendrait célèbre. Et
regardez-le. Quand on sait qu'il est handicapé à 60% depuis un accident
de moto, il y a 16 ans, c'est l'homme le plus incroyable au monde.»Effectivement, Alain Robert avale les étages avec une facilité
déconcertante. Une moyenne d'un étage par minute. Il glisse ses pieds
dans un creux de la façade et se propulse tel un danseur bondissant sur ses pointes. Son aisance à défier la gravité ferait peur. Elle fait
peur à Gil:
«C'est un cadeau dangereux qu'il me fait».
L'opération de com', en tout cas, est une réussite. Des télés du monde
entier ne veulent rien rater; les passants s'arrêtent, des ouvriers ont
quitté le chantier d'à côté pour assister au spectacle; et tous les
employés de la tour Ariane sortent en masse, et lèvent les yeux:
«Il va plus vite que nous en ascenseur!»Une sorte de foire, rappelant des clichés de BD américaines et leurs
superhéros fascinant des foules fictives. Ces gens aussi admirent un
surhomme.
En une demi-heure, la tour de 33 étages est grimpée : vives
acclamations de la foule. Deux hommes l'attendent au sommet. La police est toujours prise de court: Alain Robert n'annonce ses ascensions illégales qu'à la presse, et quelques heures seulement avant de commencer. Il mettra un bon quart d'heure pour descendre. On lui fera
«l'honneur», comme il dit, de sortir par la porte et de répondre à la meute de journalistes qui se bouscule pour l'approcher:
«On n'a qu'une vie pour réaliser ses rêves, alors foncez, ne cogitez pas!» La garde-à-vue qui s'annonce?
«Bof, je ne resterai que quelques heures. Vous savez, partout dans le monde, on ne m'a jamais traité comme un criminel. La police est souvent admirative.»
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