Lu dans Charlie :
CEUX QUI AIMENT LES EXPULSIONS PRENDRONT LE TRAIN
22 septembre, gare de l'Est à Paris.
Les voyageurs, dont de nombreux habitués, embarquent dans le train de 16 h 11 pour Troyes. Le convoi est plein. Brutalement, entre Romilly et Nogent-sur-Seine, le trajet tranquille prend la forme d'un mauvais polar. Des gendarmes avancent en nombre, wagon après wagon, et ordonnent aux voyageurs de se lever, pendant qu'un chien policier renifle chaque bagage. Une réquisition du procureur de la République de l'Aube, dans le cadre de la lutte contre la drogue, serait à l'origine de cette irruption gendarmesque. Il est bien connu que les passagers du Paris-Troyes de 16 h 11 sont des consommateurs ou des dealers avérés !
Un second groupe de gendarmes surgit, passant à son tour les wagons en revue et contrôlant l'identité de chacun des quatre cents voyageurs. Une passagère veut comprendre et interpelle un gendarme. Plein d'une mâle assurance et de l'autorité que lui confère la réquisition, celui-ci rétorque alors : « On cherche des étrangers et on contrôle tout le monde. » Pas de chance pour les pandores et leur patron, le préfet de l'Aube, qui doit afficher à fin 2011 un quota de soixante-dix expulsions : ils n'accrocheront ni drogués, ni dealers, ni étrangers à leur palmarès dans le train de 16h11...
Comment une réquisition spécifique s'est-elle transformée en traque aux sans-papiers ? Serait-ce faire preuve de mauvais esprit d'imaginer qu'elle n'a été qu'un prétexte permettant à Christophe Bayle, préfet de l'Aube, de concourir au titre d'expulseur de l'année ?
Charlie Hebdo, 19/10/11 n°1009 et
http://www.educationsansfrontieres.org/article39084.html