Pois noirs ou points noirs ?

Pois noirs ou points noirs ?


Elle est foldingue, Sandra Massonnat. Bossant dans les cosmétiques, elle s'est entichée de points noirs.
D'un côté, elle crée des produits de beauté (et le blabla qui va avec) pour des grandes marques telle Chantelle (oui, la lingerie fait désormais dans les cosmétiques).
De l'autre, elle conçoit, sous le nom Miss Ferling, des produits refusés par ses clients normaux, des produits «décalés» qu'elle dit.
«Dans l'univers de la beauté hyper concurrentiel, il faut se distinguer par le look et l'humour», plaide-t-elle.
Début de l'histoire: dans un labo cosmétique, elle tombe sur un nouvel ingrédient, de petites billes de couleur. Elle se focalise sur les noires. Elle imagine la suite: «En voyant les pois noirs, j'ai vu l'effet visuel, j'ai pensé "chien", et hop, c'était parti !»
D'où la formule magique :
<BLOCKQUOTE>
pois noirs + crème blanche = dalmatien.</BLOCKQUOTE>
Aussi sec, bingo, elle met en chantier son Baume de Dalmatie, une crème hydratante pour les mains : le vermisseau blanc qui s'écoule du tube est effectivement ponctué de petits points noirs («non, non, des pois», se récrie Sandra), grands comme des têtes d'épingle, composés de glycérine et d'alginate, lesquels, une fois massés sur la peau, s'écrasent et se diluent (non, on n'a pas les mains noires ni grises).
Quand même, une crème avec des simili comédons, faut le faire… Ces points noirs qui brouillent les teints de porcelaine, qui colonisent les pores, qui sont les précurseurs de l'horrifique acné et endeuillent trop souvent le nez et le menton…
Gonflé de s'appuyer ainsi sur des pustules pour vendre un tube de rêve ! Encore heureux que ce ne soit pas pour la tronche, mais juste pour les mimines. En fait, c'est destiné aux «pattes».

Car la Miss Ferling, une fois trouvé le concept dalmatien, va s'empresser de filer la métaphore canine jusqu'à l'os. Tout son marketing décline le toutou.
Sa création «ne manque pas de chien», surligne l'argumentaire dudit baume.
C'est le premier soins qui fait «des pattes de velours pour des bêtes de mode».
Ce baume va devenir «un fidèle compagnon». Etc.
Jusqu'au conditionnement bichonné à la mode canine : le tube alu à imprimé noir et blanc évoque la robe du dalmatien, ainsi que l'étui en carton à écossais rose (bonjour le suremballage) qui rappelle «le petit manteau des chiens ultra-chics».
Et ça schlingue quoi, ce Baume de Dalmatie ? Le clebs mouillé ? Raté. Non, plutôt une odeur de «petit biscuit», affirme Miss Ferling. Disons, une senteur suave, pas désagréable, d'autant que le résultat n'est pas gras ni collant, plutôt légèrement poudré, qui serait justement dû aux points noirs, aux pois noirs.
Sa crème de points noirs aurait pu figurer dans le Catalogue d'objets introuvables de Jacques Carelman, aux côtés du marteau à tête de verre, des tenailles molles ou du préservatif en dentelle.
En fait, il est trouvable ce Baume-là, et pas dans un magasin de farces et attrapes, mais dans un des 350 magasins Nocibé ou sur le site de la chaîne, curieusement rangé au rayon accessoires, au prix de 9,90 euros les 15 ml.
De là à acheter un gag ? Mais «c'est aussi une belle crème sélective», insiste la joyeuse inventrice.
• Marie Dominique Arrighi •