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 Infirmières bulgares: le deal secret entre Sarkozy et Kadhafi

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Chien Guevara
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Chien Guevara


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MessageSujet: Infirmières bulgares: le deal secret entre Sarkozy et Kadhafi   Infirmières bulgares: le deal secret entre Sarkozy et Kadhafi Icon_minitimeJeu 13 Déc - 0:45

Infirmières bulgares: le deal secret entre Sarkozy et Kadhafi



Une centrale atomique pour Kadhafi contre la libération des infirmières bulgares : des documents confidentiels montrent que c’est le deal conclu en 2007 entre la France et le colonel Kadhafi. Révélations sur un secret que Nicolas Sarkozy protège depuis cinq ans.

“C’est dur”, se plaignait à l’époque Nicolas Sarkozy, qui négociait avec le colonel Kadhafi la grâce des cinq infirmières et du médecin bulgares emprisonnés à vie pour avoir, selon la justice libyenne, volontairement inoculé le virus du sida à des enfants. Ce fut “dur” mais il y parvint et ce fut son triomphe : tous furent libérés. Depuis, les soupçons pèsent : qu’a promis Nicolas Sarkozy à Kadhafi en échange de son geste humanitaire ? Le jour même du retour des infirmières en Bulgarie, les Verts français l’accusaient d’être allé jusqu’à acheter la clémence du dirigeant libyen en échange d’un objet dangereux : la puissance atomique. Depuis cinq ans, Nicolas Sarkozy oppose à cette accusation toujours la même réponse : rien, rien offert, rien dealé en cachette. Comment aurait-il donné l’atome à un fou, et en échange d’un cadeau diplomatique ?

Mardi 17 avril, juste avant le premier tour de l’élection présidentielle, un journaliste de France Inter revient sur le sujet. Nicolas Sarkozy réplique par sa spécialité, la réponse “coup de poing en retour”. Il accuse le questionneur et le plante devant une autre question : “Entre ceux qui disent que monsieur Kadhafi a payé ma campagne et les autres qu’on voulait lui offrir une centrale nucléaire, est-ce que vous croyez vraiment, sermonne-t-il, que j’aurais fait tout cela, si tout ça était vrai ?”

Aujourd’hui, dans les archives de l’Elysée et du Quai d’Orsay s’entassent d’épais dossiers confidentiels relatifs à l’affaire Kadhafi. Les Inrockuptibles ont pu en consulter plusieurs. Voici ce qui s’est négocié entre la France et la Libye, en juillet 2007, la semaine précédant la libération des infirmières bulgares. Ces documents nous apprennent d’abord que l’essentiel de l’affaire s’est soldé en sept jours, en une succession de bluffs, loin du temps long de la raison diplomatique. Le sort des infirmières bulgares s’est joué sur des missiles français et une centrale nucléaire.

L’histoire débute à l’ambassade de France à Tripoli, le lundi 16 juillet 2007, une semaine avant la libération des infirmières. Jean-Luc Sibiude, l’ambassadeur, reçoit à 20 h 55 un télégramme chiffré de Paris. Le message, d’un haut niveau de confidentialité, est signé d’un conseiller de Bernard Kouchner au ministère des Affaires étrangères. On y lit “Pour l’ambassadeur seul”. Paris demande à son diplomate “d’approcher au plus haut niveau les autorités libyennes pour leur soumettre un projet d’accord-cadre de coopération franco-libyenne”. Cela fait trois mois que Sarkozy s’active pour persuader Kadhafi de libérer les infirmières. Il a impliqué son épouse Cécilia, qui multiplie les voyages à Tripoli pour amadouer le Libyen.

Depuis l’Elysée, il téléphone de temps en temps à Kadhafi pour évoquer des dossiers importants : les infirmières, bien sûr, mais aussi un projet d’accord franco-libyen qui apporterait des contrats aux entreprises françaises et relancerait l’économie libyenne après une décennie d’embargo. C’est le “projet d’accord-cadre de coopération” que Paris mentionne dans sa demande à son ambassadeur. Ce projet d’accord serait-il conditionné à la libération des infirmières bulgares ? Le conseiller de Kouchner l’explique lui-même à l’ambassadeur :

“Ce texte pourrait être signé lors de la visite qu’envisage de faire le président de la République en Libye, si nous avons reçu d’ici là la confirmation de l’extradition des infirmières.”

Laissons le style diplomatique et traduisons : libère les infirmières et je te signe un accord de coopération entre nos deux Etats. Cette proposition montre déjà que, contrairement à ce que jure Nicolas Sarkozy depuis cinq ans, il existait bien un marchandage entre lui et le colonel Kadhafi, liant la libération des infirmières bulgares à la signature d’un accord de coopération.

Mais que propose exactement Nicolas Sarkozy à Mouammar Kadhafi ? Le conseiller de Kouchner le révèle dans sa demande à l’ambassadeur : “Vous soulignerez que cet accord couvre tous les domaines (…) et points d’accord convenus lors des entretiens téléphoniques entre le Président et le Guide.” Le télégramme diplomatique liste ces “points d’accord” : ils touchent à tout ce qui peut permettre à la Libye de redémarrer son économie et de retrouver sa place parmi les nations. Paris les énumère : “dialogue politique”, “Méditerranée”, “Afrique”, “coopération”, “économie”, “lutte contre le terrorisme”, “sécurité”, “immigration illégale”. Dans la liste s’en glisse un presque invisible entre “coopération” et “économie”. Pourtant, il nous saute aux yeux comme il sautera aux yeux de Kadhafi : “nucléaire”.

Nicolas Sarkozy enverrait-il ici une sorte de message codé qui dirait : si tu libères les infirmières bulgares, tu gagneras un programme nucléaire ? La suite des discussions va le démontrer.

L’ambassadeur exécute l’ordre : il communique aux Libyens la proposition d’accord. Deux jours plus tard, le jeudi 19 juillet, il envoie à Paris la réponse des Libyens. Son télégramme diplomatique avertit le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, que Kadhafi a apprécié la lecture du mot “nucléaire” dans la proposition envoyée par la France. L’ambassadeur écrit, à propos de “la réalisation d’un programme électronucléaire en Libye”, que “sa mention dans l’accord-cadre est un geste politique majeur de notre part”. Traduisez : merci, les Français, de ne pas oublier ce qu’on attend de vous. L’ambassadeur ajoute que “les Libyens attendaient ce signal qui répond à une demande personnelle du colonel Kadhafi”.

En résumé, les Libyens ont saisi l’allusion et relevé le mot-clé important : “nucléaire”. Des deux côtés, on sait maintenant sur quoi on négocie. Sarkozy veut la libération des infirmières, Kadhafi veut l’atome. Le Libyen va maintenant préciser sa demande. Nous sommes le vendredi 20 juillet 2007, jour chômé en Libye. Le ministère libyen des Affaires étrangères convoque notre ambassadeur “en urgence”. Une fois là-bas, deux hauts responsables libyens remettent au Français deux documents rédigés par leurs soins. Le premier est un accord militaire. L’ambassadeur le lit et découvre la dernière gourmandise de Kadhafi : il veut des armes de guerre, des missiles, du matériel de sécurité français pour maintenir l’ordre en Libye. Il désire que des officiers français viennent former les unités spéciales de son armée. Il réclame aussi, et cela l’ambassadeur le lit dans le second document, une centrale atomique.

Problème. La France sait d’expérience que Kadhafi est imprévisible, capable de retournements aussi inattendus que menaçants. Donner le nucléaire à cet homme qui fit jadis exploser des avions civils et des bombes, ce n’est pas comme confier l’atome à Nelson Mandela. L’ambassadeur a un réflexe de précaution : il modère la demande des Libyens. Il les prévient : si Sarkozy débarque dans les trois jours en cas de libération des infirmières bulgares, le calendrier lui paraît un peu court pour finaliser deux textes aussi importants. Les Libyens reconnaissent le problème mais insistent : il serait bon pour la suite que la France “prenne connaissance” de leur proposition.

L’ambassadeur repart avec les deux demandes libyennes, missiles et atome. A 15 h 13, il rédige pour Paris un télégramme confidentiel. Il insiste sur le message de Kadhafi :

“Les Libyens tenaient à marquer, par la remise de ces textes, toute l’importance que ces deux domaines stratégiques tiendront dans la relance de nos relations”.

Disons-le simplement : Kadhafi avertit que l’atome et les missiles conditionnent les ententes à venir. A quelques heures du déplacement de Sarkozy en Libye, que nous savons déjà conditionné par une libération des infirmières, le message est audacieux. Mais il va fonctionner.

Trois jours plus tard, dans la nuit du 23 juillet, l’ambassadeur reçoit un nouveau télégramme confidentiel de Paris : l’accord nucléaire de Kadhafi, accepté par les Français. Ceux-ci ont recopié mot pour mot la proposition libyenne. Une petite différence cependant. Les Libyens parlaient d’un “accord”, les Français d’un “mémorandum d’entente”. Serait-ce une ruse pour minimiser l’engagement de la France ? A en croire les explications de Paris, pas vraiment.

Dans son message chiffré, le Quai d’Orsay explique à son ambassadeur la raison de ce changement de format juridique. Il s’agit de contourner les accords internationaux qui imposent des règles de prudence. Si la France veut vendre son atome en Afrique ou ailleurs, son engagement en matière de non-prolifération nucléaire l’oblige à consulter d’abord ses voisins européens. Si elle signe avec Kadhafi un “mémorandum d’entente”, elle s’en dispensera et tout ira plus vite. Comme l’écrit Paris à l’ambassadeur, la France cherche simplement à “éviter la lourdeur et les délais de la procédure de consultation que nos obligations à l’égard d’Euratom (Communauté européenne de l’énergie atomique – ndlr) nous imposent et qui n’auraient pas été compatibles avec notre volonté partagée de poser rapidement les bases de la coopération en ce domaine”.

Souvenons-nous des propos de Sarkozy en 2012, juste avant le premier tour de l’élection présidentielle. Sur France Inter, le 17 avril, il jurait qu’il “n’a jamais été question de vendre une centrale à monsieur Kadhafi”. En jouant sur les nuances, il pourrait soutenir qu’il s’agissait seulement de le lui faire espérer et qu’un “mémorandum d’entente” est loin d’engager comme un “accord”. Sauf que les documents, une nouvelle fois, laissent perplexe. Dans un autre télégramme diplomatique confidentiel français, daté du 2 août 2007, on peut lire noir sur blanc que la prochaine étape avec l’allié libyen consiste bien à signer un “accord” nucléaire. Le titre du paragraphe le confirme : “Coopération nucléaire”.

“L’étape à venir est celle de la conclusion d’un accord intergouvernemental”. Pour quand ? “L’idéal serait d’être en mesure de remettre (aux Libyens) un projet d’accord d’ici la fin du mois d’août.” Le gouvernement français leur a-t-il remis cet accord ? Au Quai d’Orsay, on ne nous a pas répondu. Revenons avec l’ambassadeur, dans la nuit du 23 juillet. Il est 22 h 11 quand celui-ci reçoit le “oui” français au projet nucléaire que réclame Kadhafi. Paris précise : il doit le remettre aux Libyens “dans les meilleurs délais”. Le texte ajoute une condition qui ne fait que confirmer le marchandage francolibyen : “Uniquement si (Paris a écrit la phrase entre doubles tirets pour la mettre en évidence – ndlr) les infirmières et le médecin sont d’ici là libérés”. Cela marche.

Le lendemain, mardi 24 juillet, Mouammar Kadhafi libère les infirmières bulgares. Mieux encore, il autorise Nicolas Sarkozy à les ramener en Bulgarie dans un avion de la République française. Triomphe de Nicolas et de Cécilia. Le Président ne régente la France que depuis deux mois et il vient de dénouer une crise internationale ! Le travail de la semaine a payé, dans une chronologie parfaite.

Maintenant, Sarkozy doit à son tour tenir sa promesse. Il annonce qu’il fera le lendemain une escale en Libye avant de prendre le chemin d’une tournée africaine. Le mercredi 25, à 14 h 30, Nicolas Sarkozy s’envole d’Orly. Trois heures plus tard, le voici à Tripoli. A 18 heures, Kadhafi le reçoit dans sa résidence bombardée par les Américains en 1986, et qu’il a transformée depuis en mémorial anti-impérialiste. Un avion américain brisé par le poing de la révolution libyenne trône en sculpture devant l’entrée.

Kadhafi fait donner les honneurs militaires et les hymnes nationaux. Sarkozy est en costume sombre, le Libyen porte un complet blanc, des lunettes noires et une barbe de trois jours. Sarkozy a épinglé à sa veste sa Légion d’honneur, Kadhafi, son fameux pin’s géant en plastique noir qui représente l’Afrique. Il conduit Sarkozy et sa suite sous une tente bédouine. Il y a là le ministre Bernard Kouchner, l’ambassadeur de France Jean-Luc Sibiude, Claude Guéant, les conseillers diplomatiques Jean-David Lévitte et Boris Boillon, le porte-parole de la présidence David Martinon et une traductrice. L’entretien dure une heure.

D’après les comptes rendus diplomatiques confidentiels, c’est Sarkozy qui ouvre les débats. Il remercie Kadhafi pour la libération des infirmières bulgares et, surtout, de les avoir autorisées à “quitter la Libye dans un avion de la République française”. Puis notre Président confirme qu’il est désormais disposé à instaurer “un partenariat d’exception avec la Libye, à parler de tous les sujets, sans tabous, qu’il s’agisse de la défense, du nucléaire, de l’Afrique et de l’Union méditerranéenne”. Kadhafi lui déroule une longue réponse dans laquelle il revient sur les infirmières bulgares :

“Nous avons fait cela pour vous, pour la France, l’Europe et la paix en Méditerranée”.

Il insiste sur un point important : cette libération représente un effort difficile pour la Libye. “Il conviendra, rappelle-t-il, d’en tenir compte en aidant la Libye à soigner ses blessures”. Sarkozy le rassure et promet que “la France (tiendra) ses engagements pour l’hôpital de Benghazi, qu’elle aidera la Libye dans son développement et qu’elle entend inscrire ses relations dans une perspective à long terme”.

Après ces formules génériques, Kadhafi en arrive à la question nucléaire. Il explique que l’Afrique a besoin de réacteurs atomiques pour dessaler l’eau de mer et propose de naturellement commencer le chantier avec un projet pilote en Libye. Cérémonie de signatures d’accords, l’entretien se termine à 19 heures. Kouchner signe, à côté de l’accord global, deux accords spécifiques : un “mémorandum d’entente” sur la coopération nucléaire et un accord militaire. Un quart d’heure plus tard, tout le monde roule en voiture vers l’hôtel Corinthia. A 20 h 30, juste avant le grand dîner officiel, Sarkozy et Kadhafi se retrouvent seuls pour un court entretien.

De quoi se parlent-ils avant de passer à table ? Les documents diplomatiques que nous avons lus ne le disent pas. Le lendemain, à 9 h 20, Sarkozy et ses quatre-vingt-dix accompagnateurs français foncent vers l’aéroport de Syrte et s’envolent pour Dakar. La suite de cette histoire fourmille de questions sans réponses. Cinq mois après le crochet de Sarkozy en Libye, la France reçoit Kadhafi en visite officielle à Paris. Les hommes du protocole français s’étouffent : le Libyen plante une tente bédouine chauffée dans les jardins de l’hôtel Marigny, à deux pas de l’Elysée. Mais il vient les mains pleines. En application des accords signés à Tripoli, il apporte quantité de contrats : promesses d’achat pour quatorze Rafale, l’invendable avion de chasse de Dassault ; pour vingt et un Airbus ; des contrats pour Vinci, pour Veolia, des achats d’armes et bien sûr la centrale atomique.

Seul ennui : les médias critiquent l’accueil réservé à un chef d’Etat autrefois familier de la prise d’otages et du terrorisme dans les conflits qui l’opposaient à l’Occident. François Bayrou “s’indigne”. Au sein même du gouvernement, Bernard Kouchner prend ses distances et s’interroge ouvertement sur les “risques” et le bien-fondé de cette connivence avec Tripoli. Surtout, Rama Yade, la secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et aux Droits de l’homme, s’insurge.

“Kadhafi, déclare-telle en public, doit comprendre que notre pays n’est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits.”

A l’époque, ce courage politique lui vaut des articles admiratifs. C’est qu’on ignorait la photo sur laquelle on la voit, cinq mois plus tôt, lors du voyage présidentiel à Tripoli, sympathisant et plaisantant avec le “terroriste” de Tripoli. Cette image ne figure pas dans l’album officiel de la visite. Comme on peut le voir page 48, elle montre une secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme hilare, empoignant la main de Kadhafi à la façon de deux basketteurs ayant mis un panier. Nouvelle question dans ce dossier libyen : pourquoi deux ministres de Sarkozy fraternisent avec Kadhafi, signent avec lui des contrats en juillet puis refusent en décembre de lui serrer la main ? Mystère.

En tout cas, “la fronde de Yade et de Kouchner a démoli la confiance de Kadhafi”. C’est un ancien militant nationaliste arabe, aujourd’hui homme d’affaires entre l’Afrique et Paris, qui nous l’affirme. Du temps de la présidence de Kadhafi, cet homme, que nous nommerons Abou Samir, entretenait des contacts avec les deux chefs des services secrets libyens, les célèbres Moussa Koussa et Abdallah Senoussi. En décembre 2007, quand Kadhafi campe près de l’Elysée, Abou Samir rencontre deux hommes de la délégation libyenne dans un restaurant proche de la place de l’Etoile.

Ceux-là lui racontent quelques secrets de la visite officielle. “Ils ont vu Kadhafi devenir fou quand Kouchner a boudé sa visite et quand Rama Yade l’a insulté, rapporte Abou Samir. Dans sa conception personnelle du pouvoir, Kadhafi ne pouvait comprendre que le chef Sarkozy ne contrôle pas ses ministres. Mes interlocuteurs l’ont entendu s’énerver contre lui en pestant : “Sarkozy, c’est un Juif : il ne tient pas ses promesses !” A la fin de sa visite, Kadhafi, partant pour Madrid, avait déjà décidé de transformer sa poignée de main avec la France en bras d’honneur à Sarkozy. Cela se manifeste immédiatement : à Madrid, il promet aux entreprises espagnoles douze milliards d’euros de contrats de défense, d’énergie et d’infrastructures, alors qu’il en avait offert seulement dix milliards à la France.”

A Paris, pour calmer les critiques liées à l’accueil réservé à Kadhafi, Sarkozy fait valoir les bénéfices de son hospitalité : il y aura des milliards d’euros pour les entreprises françaises, des contrats pour Vinci, Dassault, Veolia, des Rafale, des Airbus achetés par la Libye. “Mais Sarkozy a rêvé !, s’exclame Abou Samir. Pour ne pas dire qu’il s’est vanté. Car Kadhafi, vexé des mots de Yade et du mépris manifesté par Kouchner, était parti furax et bien résolu à niquer Sarkozy.” Deux ans après, en octobre 2009, la Libye n’a encore acheté aucun Rafale. On apprend qu’elle commande, à la place, une vingtaine de chasseurs bombardiers Sukhoi, l’avion de combat russe. Les milliards promis s’envolent…

Comme si Kadhafi, après avoir signé tous les accords, avait renoncé à honorer les contrats. Des officiels français, qui avaient travaillé la nuit pour les négocier avec Kadhafi, s’en agacent : on le sait aujourd’hui grâce à un document publié sur le site WikiLeaks, un télégramme diplomatique confidentiel envoyé à Washington par la conseillère politique de l’ambassade américaine à Paris, Kathy Allegrone. Elle raconte les échanges qu’elle a eus avec un diplomate français, sous-directeur du Quai d’Orsay chargé de l’Afrique du Nord. “Les Français, transmet la conseillère, paraissent de plus en plus frustrés en constatant que la Libye ne tient pas ses promesses”. Elle cite les mots du diplomate français :

“Nous parlons beaucoup avec les Libyens mais nous avons commencé par voir qu’en Libye les actions ne suivent pas les mots. Les Libyens, ils parlent, ils parlent mais ne nous achètent rien.”

C’était en février 2010. Un an plus tard, le 10 mars 2011, quand Kadhafi affronte en Libye une insurrection armée, Nicolas Sarkozy soutient les rebelles et reconnaît leur Conseil national de transition. Dans la journée, Kadhafi réplique en promettant de “révéler un grave secret qui entraînera la chute de Sarkozy”. Six jours plus tard, le 16 mars, sur Euronews, le journaliste Riad Muasses interroge le fils de Kadhafi, Saïf al-Islam, alors numéro 2 de l’Etat. Il lui demande ce que pense le régime libyen du président Sarkozy. Le jeune dirigeant donne une réponse qui laisse le journaliste sans voix :

“Tout d’abord, il faut que Sarkozy rende l’argent qu’il a accepté de la Libye pour financer sa campagne présidentielle. Nous sommes prêts à tout révéler. La première chose que l’on demande à ce clown, c’est de rendre l’argent au peuple libyen. Nous lui avons accordé une aide pour qu’il oeuvre pour le peuple libyen mais il nous a déçus.”

Trois jours après, le samedi 19 mars 2011, Nicolas Sarkozy ordonne à huit chasseurs-bombardiers Rafale de décoller de la base de Saint-Dizier dans l’est de la France. Quelques minutes plus tard, les avions lâchent leurs bombes sur l’armée de Kadhafi. Fin des accords franco-libyens. Dans sa course au pouvoir, qui dure depuis trente ans, Nicolas Sarkozy s’est révélé comme l’as de la rhétorique imparable. Le 17 avril dernier, sur France Inter, il jurait que jamais il n’avait été question de vendre une centrale à Kadhafi. Gros risque, lorsqu’on va affronter les électeurs la semaine suivante.

Mais aujourd’hui, un grand pan de la politique se joue au-delà de la vérité ou du mensonge. Il est ici question seulement d’imaginaire et de storytelling : l’art de savoir conter la bonne histoire, celle qui s’adresse au coeur des émotions sensibles. En 2007, quelques jours avant le premier tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy mettait en scène un récit qui a ridiculisé les journalistes français pour longtemps. Le voici en Camargue, altier sur un beau cheval blanc. Derrière lui, un pesant tracteur tire une remorque à gros pneus chargée de journalistes en groupe avec micros, perches et caméras, comprimés comme une botte d’asperges. Brillant symbole ! Regardons la scène : elle éclaire la puissance que peut prendre aujourd’hui le langage politique. Le cavalier Sarkozy portait un jean bleu ciel et une chemise rouge à carreaux de cow-boy.

En jouant le vacher américain et son mythe, il flattait un électorat que les sondages oublient mais qui a son poids en France : la foule immense, sentimentale, étrangère au clivage droite gauche, des amoureux de Johnny Hallyday et de son rêve américain. Chemise rouge à carreaux, jean clair : même chemise et même jean que portait, cinq ans plus tôt, un autre candidat. Quelques jours avant son élection, George W. Bush se faisait filmer dans cette panoplie en train de scier un tronc d’arbre dans son ranch du Texas. Un pur cow-boy : le gars avec lequel l’Américain veut boire une bière le jour de Thanksgiving.

Ce n’est pas du président Bush que Nicolas Sarkozy s’inspire en Camargue, c’est de la science de son conseiller en communication : Karl Rove. Ce génial manipulateur avait fait élire Bush avec des techniques de communication qui s’adressaient directement aux émotions et au cerveau reptilien des électeurs américains, surtout pas, le moins possible, à leur raisonnement. Ainsi Sarkozy jurant qu’il n’a jamais joué avec Kadhafi et l’atome. Ce n’est pas un trou de mémoire et qu’importe si on dénoncera ensuite le propos comme un mensonge. Il n’y a là qu’une contre-attaque destinée à laisser celui qui dit la vérité dans l’embarras, un fou capable d’imaginer que lui, le président des Français, ait jamais pu risquer ainsi la sécurité de la planète. C’est une vieille évidence du discours politique : un mensonge asséné avec caractère l’emportera toujours sur la vérité la mieux documentée.

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MessageSujet: Re: Infirmières bulgares: le deal secret entre Sarkozy et Kadhafi   Infirmières bulgares: le deal secret entre Sarkozy et Kadhafi Icon_minitimeJeu 13 Déc - 13:52


Eh ben...

" On ne nous dit pas tout "

Je vois que l'article date du 30 avril 2012.
Dommage qu'il n'ait pas été diffusé largement à ce moment.

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Chien Guevara
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MessageSujet: Re: Infirmières bulgares: le deal secret entre Sarkozy et Kadhafi   Infirmières bulgares: le deal secret entre Sarkozy et Kadhafi Icon_minitimeVen 21 Déc - 1:44

Bon, il a perdu quand même ... Et en plus, on n'est guère mieux depuis, d'ailleurs ...
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