Tapie empoche 285 millions d'euros : affairiste et licencieur
Bernard Tapie vient de gagner le procès qui l'opposait au CDR
(Consortium de réalisation), l'organisme public qui gère le passif du
Crédit Lyonnais. Celui-ci devra débourser 240 millions d'euros au
titre du « manque à gagner » et 45 autres millions au titre du
« préjudice moral ».
Depuis treize ans, Tapie reprochait au Crédit Lyonnais de lui avoir
manqué de « loyauté » quand il lui avait servi de conseiller en 1992
dans la vente de l'équipementier sportif Adidas à Robert-Louis
Dreyfus. D'après Tapie, le Crédit Lyonnais aurait été à la fois juge et
partie, conseillant le vendeur et l'acheteur, pour empocher au final
deux milliards de francs.
Comme depuis la découverte du « trou du Crédit Lyonnais », l'État a
repris le passif de la banque, sous couvert du CDR, c'est donc l'État,
et en définitive les contribuables, qui vont devoir verser
ces millions d'euros à Tapie. Et la note pourrait être encore plus
salée car, selon le journal Le Monde, il faudrait prendre en compte le
calcul d'intérêts qui courent depuis 1994.
Une fois les dettes de Tapie épongées, il lui resterait, d'après ses
avocats, entre 20 et 25 millions d'euros, de quoi en tout cas garder
son hôtel particulier de la rue des Saints-Pères à Paris.
Quant au « préjudice moral » de 45 millions d'euros, la justice n'a pas
été aussi généreuse pour les milliers de salariés que Tapie a
licenciés. Car la reprise d'Adidas n'avait été que le dernier
épisode d'une longue série de rachats et de ventes d'entreprises, de
Manufrance à Wonder, en passant par Testut ou Marie-Claire. Ces
entreprises obtenues souvent pour un franc symbolique, sous
prétexte qu'elles auraient été en difficultés étaient ensuite revendues
avec de gros bénéfices et des milliers de licenciés à la clé. Pour tous
ceux-là, il n'y a pas eu de « préjudice moral » et les
indemnités ont été dérisoires.
La seule morale d'un Tapie a toujours été de réussir son ascension
sociale. Le ministre de la Ville qu'il fut en 1992-1993, quand
Mitterrand était à l'Élysée, ne vit rien d'immoral à apporter son
soutien à Sarkozy en 2007. L'affairiste et licencieur Tapie n'eut même
pas à renier des idées de gauche qu'il n'a jamais eues.